SALON D'ART ANIMALIER

SALON D'ART ANIMALIER

vendredi 15 mai 2009

Canton de Nemours

Canton de Nemours



Bourron-Marlotte
1) Rien de tel qu’une bonne vache
(La statue récalcitrante de Sainte-Avoye)

Nonville
 2) Le gang des trois menhirs (La Roche aux Cailles, la Pierre Levée du Mocquebarril, la Pierre de Cherelles
3) La partie du palet perdu (la Roche du Géant)
4) Le chien qui ne dormait qu’une fois par an (le trésor du Vieux Château)

Treuzy-Levelay 
5) Les fantômes de la cupidité (Un revenant déplaceur de Borne)
6) Dites, M’sieur Blain, pourriez pas m’expliquer deux ou trois trucs ? (La Roche à Blain)
7) Laquelle est la bonne : jeux de piste à la Saint-Barthélemy (Les Roches Saint-Barthélémy, Le Pas de Saint-Barthélémy et son combat de contre un monstre aquatique)

Nanteau-sur-Lunain
8) S’entraîner pour se marier (La Pierre aux Aiguilles)
9) Une meringue en forme de dinosaure pétrifié (La Roche aux Epingles)
10) Le tribunal de saint Louis (La Roche de la Justice)
11) Le roman de la Pierre Fritte (l’histoire, les légendes et les traditions liées au menhir de la Pierre Fritte)

Darvault 
12) Le Moine, le cheval et l'escargot (La Pierre des Moines, la Grosse Roche, Empreintes de pied humain et d’équidés, la Pierre de la Chapelle)

Saint-Pierre les Nemours, Nemours
13) Promenade dominicale (le Pas de Dieu, la Roche Pierre-le-Saut))
14) Au menu 3 : encore des Dames Blanches, des sources votives et des boules dans le ciel (les dames blanches des Fontaines, une énorme boule bleutée)

                                                                                                                                                                                                                                                   

Rien de tel qu’une bonne vache
                          On va commencer doucement. Bien qu’à Bourron-Marlotte elle se partage le statut de saint patron avec saint Sévère, sainte Avoye est sûrement la plus populaire des deux. Son histoire, comme celle de la plupart des saints martyrs, n’est pas très gaie. Survolons-là cinq minutes.
                       « Avoye était originaire de Sicile et venait d’une famille qui jouissait de certains droits de souveraineté sur une partie de l’île. En gros ce n’était pas n’importe qui. En dépit de sa resplendissante beauté, elle décida de consacrer à Dieu sa virginité, et du coup refusa tous les beaux gosses qui se présentaient à elle. A la mort de son père, vers 451, elle partit en Grande-Bretagne en compagnie de sainte Ursule, qui passait pour être sa cousine. Les Saxons débarquèrent un peu plus tard et sainte Avoye dut à nouveau s’exiler car l’un des chefs saxons devenait un peu trop collant. Elle quitta donc l’île avec un grand nombre de vierges qui, comme elle, ne voulaient pas devenir les épouses de ces terribles oppresseurs. Lorsqu’elles eurent débarqué en Allemagne, à l’embouchure du Rhin, elles remontèrent ce fleuve en direction de Cologne. Une troupe de Huns qui dévastaient le pays passait par là. Sans tarder, ils capturèrent Avoye et sa clique de vierges, tuèrent sainte Ursule et massacrèrent les autres. Avoye parvint à s’échapper et se réfugia dans une grotte près de la mer, du côté de Boulogne, où elle mena quelque temps une vie d’anachorète. De nouveaux barbares ayant pénétré dans la région, elle aurait été mise en prison et nourrie miraculeusement par la Sainte Vierge, avant d’être décapitée pour la défense de sa vertu. FIN »(1).
STATUE DE SAINTE AVOYE, ÉGLISE SAINT-SÉVÈRE (BOURRON-MARLOTTE) 
                        A sa mort une partie de ses reliques furent rapatriées dans la région et atterrirent à Fromonville. Un peu avant la Révolution, le curé en donna une partie à celui de Bourron. Ne subsistent plus que celles-ci aujourd’hui, les autres, dirons-nous en langage convenable, ayant été corrompues par le temps.
                                  Autrefois, une statue miraculeuse de sainte Avoye reposait dans une petite chapelle de Fromonville qui lui était dédiée. Avant qu’on démolisse cet édifice, la statue fut achetée par la paroisse de Bourron. On décida alors de la transporter dans ses nouveaux quartiers, mais ça ne se passa pas comme prévu.
                          « Le cheval attelé à la charrette qui devait emmener la statue demeurait immobile, et rien ne pouvait l’inciter à démarrer. Un des assistants déclara que ce n’était guère l’affaire d’un cheval de porter la statue d’une sainte. On décida donc d’atteler une génisse à la charrette, et la statue fut conduite sans histoire jusqu’à l’église de Bourron ».
Fêtée le premier dimanche de Mai, les jeunes mères invoquaient surtout la sainte pour les problèmes d’allaitement, de tarissement, et pour les enfants « noués », tardant à parler ou à marcher.
                                                                         
(1) Librement inspiré d’Henri Froment : Sainte Avoye, Bulletin des amis de Bouron-Marlotte, n°2, p 14.


Le gang des trois menhirs
Nonville, qui remporte la palme de la plus importante concentration de menhirs, détient aussi celle des plus douteux. Des trois monolithes recensés aucun n’est vraiment pris au sérieux,  comme aucun, d’ailleurs, n’a conservé de trace dans la toponymie. Et, autant vous le dire tout de suite, pas la moindre légende ou tradition non plus.
La  Roche aux Cailles, qui ne doit rien à l’oiseau mais plutôt à de petits galets de silex dont ce grès est farci, est la plus volumineuse. Elle mesure 1,80 m de haut pour 2,50 m de long. Elle a l’allure d’une dalle arrondie plantée de travers. D’autres blocs de même nature sont couchés sur le sol, dans aucune forme particulière, mais comme regroupés à cet endroit. Elle est située dans les Bois de Culan dont on prétend que le nom viendrait de Culard (le feu-follet) et domine la ferme de Chauville. On raconte que le terrain où est planté le menhir résonne, car en dessous passerait une mystérieuse galerie dont on se servait comme glacière, ou un souterrain menant au château. D’après Claude Perrot il s’agirait plutôt d’une cave. L’entrée, rebouchée en partie, s’ouvre dans un talus face à la ferme citée plus haut.

LA ROCHE AUX CAILLES (NONVILLE)
LES CAILLES (LA ROCHE AUX CAILLES (NONVILLE)) 

En bordure de la D 403, à moins d’1 km du croisement avec la D 58, se trouve la  Pierre Levée du Mocquebarril. Déjà pas bien haute, à peine 1,20 m, elle a été esquintée par les types de la DDE au cours de leurs délicats travaux d’élagage. Une partie du sommet a été brisée et réparée depuis par Alain Bénard, le président du GERSAR. Elle a la forme d’un pentagone américain, et de l’avis d’Armand Viré pourrait être un support de table de dolmen. Détruit bien sûr. On doit son signalement à Paul Bouex qui tenait l’info « d’un ouvrier intelligent »(1)(c’est lui qui l’écrit). C’est encore lui qui lui a donné son nom, puisque il n’en avait pas et que visiblement, aux yeux des gens, le mégalithe était passé complètement inaperçu. 
LA PIERRE LEVÉE DU MOCQUEBARRIL (NONVILLE) 

D’après Paul Bouex, la Roche aux Cailles et la Pierre Levée du Mocquebarril seraient sur une droite aboutissant au dolmen de la Pierre Louve, précédemment étudié. On peut dire ça comme ça.
EMPLACEMENT DE LA PIERRE DE CHERELLE (PLAN D'INTENDANCE, 18ème)
La Pierre de Cherelles, que l’on voit dessinée sur le plan d’intendance du 18ème sans autre dénomination que celle de Roche, était plantée au nord de la ferme du même nom. Elle a été rayée de la surface du globe il y a un peu moins de 80 ans par le proprio du champ, qui trouvait que ça ne faisait pas joli. Peu de temps avant que ce maniaque de la dynamite joue à saute-caillou, un certain Trouvain l’avait signalé à Paul Bouex, qui lui donna un nom et l’étudia dans un article publié dans le bulletin de l’ANVL en 1929. C’était un grès d’1,35 m de haut, de forme vaguement pentagonale, avec des fossiles de Planorbis pseudoammon (traduction : des escargots d’eau douce) incrustés dedans. Le dessin qu’en a fait Bouex évoque davantage un bloc naturel qu’artificiel. Mais bon, ce n’était pas une raison pour lui faire sa fête.

LA PIERRE DE CHERELLE, DESSIN DE PAUL BOUEX (NONVILLE)



(1) Paul Bouex : les mégalithes des environs de Nemours, l’Homme Préhistorique, 1912, p 326. 



La partie du palet perdu
                       Paradoxalement, la seule pierre ayant conservé une trace légendaire est un énorme rocher qui ne porte aucun nom, mais qui était peut-être connu sous celui de Roche du Géant. Il est indiqué comme tel sur un document manuscrit des archives(1) et sur la carte IGN n° 2517O. Il se situe à droite de la D 92, direction le Sausseau, en limite d’un bois, sous la simple désignation de Roche. On le trouve aussi dessiné sur le plan d'intendance de la commune de Nonville du dix-huitième siècle, mais sans aucune mention. C’est un grès volumineux, envahi de lierre. Son sommet présente une série de bosses plus ou moins hautes. Une pierre plate en calcaire repose derrière lui. Le lieu-dit qui l’entoure est la Vallée aux Loups. La roche semble totalement absente de la mémoire des habitants de la commune.
                    Pourtant, « on racontait qu’elle aurait été lancée là par un géant ».
                    Cette tradition est peut-être à rapprocher de Gargantua et de ses palets ? Après tout, la Pierre Louve et la Roche du Saut ne sont pas très éloignées, surtout pour un géant. Mais je n’ai pas plus de détails pour le confirmer.
LA ROCHE DU GÉANT (NONVILLE)

                                                                                                                                           
(1) Anonyme : Renseignements sur les traditions, coutumes et croyances des vallées de l’Orvanne et du Lunain, 1930 ? Archives Départementales de Seine-et-Marne (ADSM) 968 F6. 



Le chien qui ne dormait qu’une fois par an
          A Nonville, au lieu-dit le Vieux Château, s’élevait autrefois un château, qui aurait appartenu aux Davisson et qui, d’après l’instituteur Callot, fut détruit à la Révolution. Le Cadastre Napoléonien localise les ruines au niveau de la pointe Nord-ouest du bois, s’étendant actuellement derrière le parking du parc de loisirs, FAMI PARC, de Nonville. Coordonnées : X : 0634.439/ Y : 1065.129. Il n’existe plus grand-chose de visible à l’intérieur du climat concerné. Quelques levées de terre entre les arbres, des moellons de pierre calcaire, des fragments de tuiles et des débris de construction. Claude-Clément Perrot se souvient y avoir vu des restes de douves dans les années 90. Je n’ai rien aperçu de tel.
Les traditions rapportent qu’à cet endroit, le terrain est truffé de caves et de galeries, et  quand on marche, le sol résonne. Plusieurs souterrains en partiraient pour rejoindre, de l’autre côté du Lunain, l’ancienne forteresse féodale(1) dont il ne subsiste qu’une grosse tour ronde, près du moulin. D’autres passeraient sous les restes du prieuré de la Nosaye et aboutiraient à l’ouest du Bois de Culan pas très loin du menhir de la Roche aux Cailles.
L’un de ces tunnels recèlerait un trésor(2) que l’on prétend avoir été entassé là par un lointain seigneur à une époque toute aussi reculée. Un énorme et redoutable chien noir, qui a le Diable pour maitre, veille sur ces richesses. Parfois, la nuit, on peut entendre ses aboiements, surtout lorsqu’on s’approche de l’entrée du souterrain qui est supposé se trouver dans le Bois des Chênaux, au sud du Vieux Château. Accès improbable, que Pierre V n’a jamais pu découvrir en dépit de ses nombreuses prospections, qui lui ont quand même permis de récolter quelques pièces de monnaie gallo-romaine. Ce n’est pas terminé. Le trésor n’est accessible que pendant la messe de Minuit. Le monstrueux animal s’endort au début de l’office pour ne se réveiller qu’à la fin. Toutefois, et comme dans la majorité des cas, celui qui n’aura pas quitté les lieux avant que le gardien ne sorte de son sommeil à toutes les chances d’être dévoré par lui. Ce qui est même plus que probable, quand on y pense.   

EMPLACEMENT DES RUINES DU VIEUX CHÂTEAU, CADASTRE NAPOLÉONIEN  (NONVILLE)


(1) AVHOL : Promenade en Gâtinais, 1987, p 203.
(2)  Cahier Pierre V, date du 20/07/1951.



Les fantômes de la cupidité
                              En revenant vers Treuzy, mais de l’autre côté de la route, sur Treuzy-Levelay donc, se trouvait autrefois une borne appelée Borne des Vaux Venants, qui devait se situer à peu près au point 89 sur la carte IGN n° 2517O. La légende qui s’y rapporte était commune à plusieurs régions de France. Le scénario traditionnel est celui d’un type qui, déplaçant une borne pour gagner quelques arpents de terre en plus, est condamné à sa mort à la remettre en place pour trouver la paix éternelle. Celle qu’a récoltée Paul Malherbe est moins élaborée :
               « On disait à propos de cette borne ‘Malheur à qui me déplacera’. A la minuit, le fantôme, l’esprit errant d’un homme hantait les lieux. Il aurait déplacé la borne en dépit de l’avertissement. Sa cupidité aurait été alors punie. Il aurait été condamné à errer éternellement »(1). 



(1) Paul Malherbes : documents manuscrits.


Dites, M’sieur Blain, pourriez pas m’expliquer deux ou trois trucs ?
                            Si, partant du cimetière de Treuzy-Levelay, vous empruntez un chemin de terre carrossable qui traverse les champs et vous arrêtez au premier petit bois, vous avez toutes les chances de remarquer entre les arbres le petit menhir de la Roche à Blain.
                     C’est un grès trapu, d’1,80 m de haut, où se succèdent glacis, crevasses et minuscules cavernes, le tout habillé de mousses et de lichens du plus bel effet. Plusieurs des cavités ouvertes à son sommet recèlent de gros clous de fer. Ce sont les témoins d’une pratique curative sensée soigner les maux de dents.
« Il fallait piquer la dent malade avec un clou et le planter ensuite dans la roche après avoir tourné plusieurs fois autour. L’oncle d’un certain Billard aurait lui même expérimenté cette coutume vers le début du XXe siècle et en serait retourné soigné » (1).
LA ROCHE A BLAIN (TREUZY-LEVELAY)
A l’heure actuelle, aucune légende n’est attribuée à ce mégalithe, mais Henri Dontenville et d’autres voyaient dans sa désignation une probable référence au dieu gaulois Belenos. Cette hypothèse est vraiment à prendre avec des pincettes. Il y a fort à parier en effet que ce mystérieux Blain ne soit en fait que l’un des nombreux patronymes locaux plutôt courants dans la région. Outre des Blin habitant Nonville, Moret, Villemer, j’en ai découvert pas moins de cinq ayant vécu à Treuzy entre la fin du XVe et le début et la fin du XVIe. Un certain Jean Blin de Treuzy s’y serait marié en 1685. En 1721, un Pierre Blain possédait des terres sur la commune et aurait marié sa fille Magdeleine Blin en 1730. Un second climat semble d’ailleurs issu de son nom : La Fosse à Blain, qui n’était pas très éloigné de notre roche. Une Jeanne Blain ou Blin y vivait aussi en 1695, ainsi qu’un Toussaint Blin et un Jean-Baptiste Blin, marié en 1792, manouvrier de 40 ans, fils d’Etienne Blin. Pour corser le tout, il était courant que le nom d’une famille entre dans la composition des toponymes des terres dont ils avaient la charge. Il existe plusieurs exemples où des Bouchonnet, Bonleu, Transy, Luquet et autres Duteil, tous inscrits aux registres fonciers de l’époque, ont donné leur nom à des bois, des terriers, des arbres. Désolé pour Belenos, mais ça sera sûrement pour une autre fois. 

CLOU, LA ROCHE A BLAIN (TREUZY-LEVELAY) 
Toujours d’après Paul Bouex, ce menhir ferait partie d’un alignement incluant la Pierre aux Aiguilles de Nanteau-sur-Lunain et aboutissant à l’allée couverte de Cannes-Écluse, détruite vers 1891.
Une dernière chose : Bernard Théret a découvert sur la commune de Villemer un bloc plus ou moins semblable à notre Roche à Blain. Lieu-dit : L’Orme des Rompans, parcelle 38, cordonnées : X : 637,850/ Y : 1067,714. Comme elle, il s’agit d’un grès cliquart, profondément accidenté et couvert en partie de mousse. Sa taille est plus modeste, sa forme moins arrondie, mais elle a tout l’air d’avoir été dressée. Personne ne semble jamais l’avoir signalé, d’autant qu’elle se trouve en bordure de bois, à proximité de blocs arrachés aux champs par les agriculteurs. Prudence, donc. 

ROCHE DRESSEE DE L'ORME DES ROMPANS (VILLEMER)



(1) Anonyme : Renseignements sur les traditions, coutumes et croyances des vallées de l’Orvanne et du Lunain, 1930 ? Archives Départementales de Seine-et-Marne (ADSM) 968 F6.


Laquelle est la bonne : jeux de piste à la Saint-Barthélemy
                    Avec les Roches Saint-Barthélemy de Nanteau-sur-Lunain, c’est un peu plus compliqué.
                Le premier à leur consacrer quelques lignes est Edmond Doigneau. Voici ce qu’il rapporte :
                « On montre sur le territoire de la commune de Nanteau (sic) deux pierres dites de Saint-Barthélemy, dont une qu’on prendrait pour la grossière borne d’un champ est à 200 ou 300 m de la Pierre aux Aiguilles. Toutes eux avaient la vertu de guérir certaines maladies des vaches et des chevaux : il suffisait de faire faire plusieurs tours de la pierre à l’animal malade pour lui rendre la santé. En reconnaissance, le conducteur déposait sur la roche une menue pièce de monnaie, un liard, que les pauvres de la commune, dans leur tournée ordinaire, venaient ramasser après avoir fait à genoux une courte prière. La personne de qui je tiens ces détails n’a pas plus de 50 ans. Elle y a plusieurs fois conduit des chevaux et, ajoutait-elle, ‘ je ne m’en suis pas mal trouvé’. Aujourd’hui, cependant, elle va consulter le vétérinaire, dont l’intervention ‘est parfois aussi efficace que celle de saint Barthélemy’, mais ‘que voulez-vous ? On ne croit plus à rien !’ concluait le bonhomme » (1).  
                 Ensuite c’est au tour de Paul Bouex. Reprenant les données du précédent, il apporte néanmoins quelques précisions :
                     « La première était placée au lieu-dit la Vallée de Treuzy. Un certain Billard s’en serait débarrassé et l’aurait enfouie en 1910. C’était un bloc de conglomérat caverneux d’1,20 m de haut et autant de base. La seconde, qui ressemblait à la grossière borne d’un champ, se dressait sur la rive opposée du Lunain, à mi réage entre ce ruisseau et le chemin de Launoy à Culoiseau, sur la limite de Nanteau, à 500 m de la Pierre aux Aiguilles »(2)
                     Il ajoute « qu’on y amenait les animaux atteints de tranchées », qui sont des sortes de violentes coliques.
                        Comme on le remarque, Bouex n’a pas vu les 2 roches de Saint-Barthélemy, mais tout comme moi, il en parle. Il semble qu’elles aient été détruites environ deux ans avant qu’il ne rédige son article.
                           Faisons maintenant un bon de 88 ans. Une version totalement différente m’a été transmise par Madame C., dont l’époux n’est autre que l’arrière-petit-fils du fameux Billard. D’après elle, c’est bien lui qui aurait détruit à l’aide d’explosifs la première Roche de Saint-Barthélemy de la Vallée de Treuzy. Les villageois étant très attachés à ce bloc, il prétendit d’abord l’avoir enterré, mais, pour éviter les ennuis, il dut par la suite faire ériger avec ses sous une croix de fer dans la montée de l’église. Elle y est toujours. Par contre, si on en croit Madame C., la seconde roche du saint aurait survécu au massacre jusque dans les années 1980-90, époque où, sous les coups des engins de voirie des Ponts et Chaussées, elle aurait finalement rendu l’âme et serait parti rejoindre sa frangine au paradis des cailloux. Notre informatrice la décrit comme une roche naturelle, beaucoup plus grosse que celles dépeintes par nos deux précédents auteurs, et déjà fortement endommagée par une série de remembrements. Elle était située à proximité de la D 69, face à l’actuelle société de pompage de la Fontaine de la Claye.
LA ROCHE SAINT-BARTHELEMY (NANTEAU-SUR-LUNAIN)
                                  Un dernier témoignage fait état d’une autre pierre, toujours attribuée à saint Barthélemy, mais une fois de plus d’aspect et de positionnement différents. Toutefois, comme celle évoqué par Bouex, elle est sur la limite de Nanteau, et comme dirait Doigneau, à un peu plus de 300 m de la Pierre aux Aiguilles. Dressée à mi-pente au lieu-dit la Montage Berthier, c’est une énorme roche naturelle, arrondie et pas plus haute qu’un pied de colza adulte.
« Une légende raconte que le Lunain abritait autrefois un monstrueux reptile aquatique, ou un dragon, que saint Barthélemy aurait pourfendu. Le combat les aurait entraînés à l’écart de la rivière et se serait terminé au sommet de ce rocher. On peut voir encore aujourd’hui sur l’un des bord de ce grès l’empreinte du pas de Barthélemy et les traces de griffes de la créature » (3).
                       L’auteur de ce récit prétend avoir trouvé dans le pas du saint une pièce de 10 centimes datant de 1897.
LE PAS DE SAINT-BARTHELEMY (NANTEAU-SUR-LUNAIN)
                       Quelques trucs encore à propos des roches et du saint :
                     « Une fois par an, à la Saint-Barthélemy, les agriculteurs amenaient également leurs bêtes aux deux roches afin que le prêtre les bénisse pour les garantir des maladies. On confectionnait également du pain qu’on apportait à l’église pour être béni. Ceux qui n’en avaient pas l’achetaient à la ‘criée’ qui avait lieu après la messe dans le cimetière attenant.  En cas de maladie ou en signe de protection, on en faisait manger une bouchée à la vache ou au cheval » (4).
                     Voilà tout ce que je peux dire à propos des Roches Saint-Barthélemy. Je vous laisse avec tout ça en espérant que vous ne m’en voudrez pas trop.
                                                                          

(1) Edmond Doigneau : Nemours, Paris, 1884, p 146. 
(2) Paul Bouex : Les mégalithes des environs de NemoursL’Homme préhistorique, n°10, 1912, p328/329.
(3) Anonyme : Renseignements sur les traditions, coutumes et croyances des vallées de l’Orvanne et du Lunain, 1930 ? ADSM : 968 F6 et tradition orale.
(4) Roger Lecotté : Recherches sur les cultes populaires dans l’actuel diocèse de Meaux, mémoire n°4 de la Fédération Française Folklorique d’Ile-de-France, 1953, p 159.



S’entraîner pour se marier
                                Du haut de la roche précédente, mais vous êtes pas obligé, ça marche aussi quand vous êtes en bas, vous pouvez apercevoir de l’autre côté du chemin, isolé dans le champ, un petit mégalithe. Il s’agit du menhir de la Pierre aux Aiguilles. Comme tel, il n’apparaît dans aucun des documents auxquels j’ai pu avoir accès. Par contre, le climat de La Vallée Clairiette, où il réside, est souvent mentionné. Ce monument d’1,80 m de haut a bien failli disparaître, car il aurait été autrefois couché sur le sol par un certain Coudeville, cultivateur de son état, afin d’être réduit en miettes. Par chance les autorités compétentes lui tapèrent sur les doigts, et menaces d’amendes à l’appui auraient encouragé l’iconoclaste de service à réparer ses âneries. Il releva la pierre et c’est pour ça qu’on peut toujours l’observer de nos jours. Mais ça, vous vous en serez douté.
La tradition nous apprend ceci : « Autrefois, les jeunes filles désireuses de se marier venaient à ce bloc, déposaient ou jetaient des aiguilles dans les trous de la roche en s’arrangeant pour qu’elles ne tombent pas, et ce afin de savoir si elles rencontreraient un époux dans l’année, la chute de l’objet annulant bien sûr cette éventualité »(1)
LA PIERRE AUX AIGUILLES (NANTEAU-SUR-LUNAIN) 

                      Paul Sébillot et Roger Lecotté citent plusieurs exemples relatifs à ce principe de divination observé dans les sources, les fontaines, les statues de saints et qui semble obéir davantage aux lois d’un jeu de hasard qu’à celles d’une pratique purement magique. Dans ce cas précis, une épreuve, si dérisoire soit-elle, est à remporter par la jeune fille venue jeter un oeil sur son avenir amoureux. Celle-ci reste la principale actrice et organisatrice de ce rite et ceci du début à la fin, même si le présage peut être influencé par une force supérieure contenue dans le réceptacle. L’issue sera également rapide et se confirmera uniquement par la réussite ou l’échec du jet d’épingles. Retenons que cette coutume n’est soumise à aucune discipline arrêtée. La plaignante est en droit de faire sa propre cuisine, d’instaurer ses propres règles de distance, de position et d’interprétation, tout en respectant celles imposées au départ. C’est en connaissance de cause qu’elle engage sa propre destinée, mais peut, grâce à son adresse et à sa ruse, remporter la partie ou faire pencher le fléau de la balance en sa faveur. En ce sens il peut y avoir fraude ou plutôt accommodement d’attitudes et de normes en vue d’un succès désiré, ce qui nous éloigne considérablement de la coutume d’enclouage pratiquée à la Pierre Fritte de Nanteau.
                    Une dernière précision quand à cet usage perpétré à la Pierre aux Aiguilles. Il n’a jamais été rapporté par Doigneau, Viré ou Bouex. Dans leurs différentes études, ils se sont simplement contentés de décrire le monument et, à la rigueur, de s’interroger sur l’origine de son nom. Curieusement, dans la tradition orale actuelle, cette coutume,semble définitivement acquise. En effet, plusieurs personnes répondant à la question sur ces pratiques m’ont resservi à peu de choses près le même discours. Tout ça vient peut-être du fait que Doigneau, qui est le premier à écrire sur cette pierre, est aussi le premier à émettre l’hypothèse de cette croyance, hypothèse qui au cours du temps a peut-être fini par devenir effective. Curieusement, lui qui semble avoir mené une enquête auprès de la population locale, n’a obtenu finalement aucune information confirmant cette idée. Ou est-il simplement passé à côté ? Rappelons qu’il ignorait également la raison de la présence des clous plantés dans la Pierre Fritte, et que 30 ans s’écouleront avant qu’Armand Viré nous apporte la réponse, qui existait belle et bien.
                                                      
(1) Tradition orale


Une meringue en forme de dinosaure pétrifié
                        Souvent confondue avec la Pierre aux Aiguilles, la Roche aux Epingles se tient dans les bois de Nanteau à un peu plus d’un kilomètre au sud-ouest de celle-ci.
                     Pour s’y rendre, rien de plus simple : emprunter successivement le chemin de la Vallée Clairiette, le chemin de Château Landon à Moret, celui du Bois de Culoiseau aux Rochers de la Justice. Au carrefour du Chêne Pommier, « sous lequel se reposa la reine Blanche »(1), mère de saint Louis, suivre sur la gauche le sentier du Fond des Buffets sur 10 m environ et s’arrêter au milieu d’une zone fraîchement empierrée. Vers la droite part une piste qui conduit à la Roche aux Épingles, en partie dissimulée par la végétation. Séparée des contreforts rocheux de la Fosse aux Loups, elle est placée en légère inclinaison sur un talus déboisé envahi de ronces et d’aubépines.
LA ROCHE AUX EPINGLES (NANTEAU-SUR-LUNAIN)
                                Si la Pierre aux Aiguilles était un véritable menhir, la Roche aux Epingles n’est qu’un bloc naturel blanchi et lavé par les intempéries. On dirait une sorte de meringue pétrifiée de 3 m de haut, dans laquelle apparaissent parfois de longues cavités comparables à de grossières épingles. A plusieurs endroits, sa surface est également couverte de plaques écailleuses faisant penser à la peau d’un reptile, les fameuses desquamations polygonales, constitution typique de certains grès du massif de Fontainebleau.
                           Contrairement à sa consœur, la Roche aux Epingles est plutôt familière des archives. En revanche elle est complètement absente de la mémoire collective. Plus personne de nos jours n’en a entendu parler. Elle préfère les vieux papiers. En 1644 elle figure dans un terrier sous le titre de Roche à l’Espingle, puis un siècle plus tard vers 1790, où parmi une liste impressionnante de lieux-dits elle apparaît de nouveau, écrite sous sa forme actuelle. Toutefois il semble qu’elle soit toujours citée comme un microtoponyme ayant servi à nommer le minuscule vallon qui l’héberge, car il n’existe aucun climat de ce type sur les cadastres et les plans de finage consultables.
                                Le monument n’est porteur d’aucune légende, ni d’aucune tradition attestée. Néanmoins, comme l’ont écrit avant moi Doigneau et Malherbe, son nom suggère qu’une coutume similaire à celle concernant sa voisine ait pu être observée auprès de notre bloc. Il est également possible que ses cavités en forme d’épingles aient suffit, par analogie, à lui refiler cette dénomination.
                Un dernier point.
                       Dans une lettre adressée à Paul Malherbe, Paul Bouex fait référence à une « Roche aux deux têtes de clous », située dans les parages de notre pierre, sans fournir d’autres précisions que celle de sa situation. Le correspondant conclut en ces termes : « Cela n’a pas d’importance d’ailleurs : il n’y a point de mégalithe ».
                      Quelle est donc cette Roche aux deux têtes de clous ? Il ne m’a pas été permis d’en apprendre davantage pour le moment. Mais une fois de plus, avions-nous réellement affaire à un mégalithe indépendant ou à un seul et même élément possédant plusieurs appellations? La description de Paul Bouex semble l’indiquer. Cependant aucune des deux possibilités n’est à balancer aux oubliettes.
                                                                                    
(1) Paul Malherbe : Monuments mégalithiques dans la commune de Nanteau-sur-Lunain, Bulletin de l’Association des Naturalistes de la Vallée du Loing, XV, 1932, p 85.


Le tribunal de saint Louis
                     La forêt domaniale de Nanteau abrite une seconde pierre légendaire. Pour la voir, il faut remonter le Chemin du Fond des Buffets, passer le carrefour, puis sur la droite suivre le Sentier des Platières. 100 m plus loin on découvre sur la gauche un grès plutôt bizarre : la Roche de la Justice.
LA ROCHE DE LA JUSTICE (NANTEAU-SUR-LUNAIN) 
                           Constituée d’un empilement de plaques gréseuses, elle est facilement repérable au sein des blocs environnants. Sa forme rappelle vaguement celle d’un siège ou d’un fauteuil pour géant.
                     Une belle cupule évasée orne la plaque sommitale, et sur le côté une croix aurait été gravée. Il n’y en a pas la moindre trace.
                     D’après une légende locale, « Saint Louis venait y rendre justice : le plaignant se tenait assis sur une dalle, au pied de la pierre, et le roi à son sommet» (1).
                                                                                             
(1) Paul Malherbe : Monuments mégalithiques dans la commune de Nanteau-sur-Lunain, Bulletin de l’Association des Naturalistes de la Vallée du Loing, XV, 1932, p 85.



Le roman de la Pierre Fritte
C’est sur le plateau dominant le bourg de Vaupuiseau que se dresse, à la limite de Nanteau et de Villemaréchal, le grand menhir des Ortures que tout le monde connaît sous le nom de Pierre Fritte. Fritte qui vient du latin fixa ou ficta, fixé, fiché, me permet de dire sans trop me mouiller qu’il s’agit là d’une « pierre fichée en terre ». Jusque là tout va bien. Ce bloc est un grès dur, plutôt massif, de 4 m de haut et de section approximativement quadrangulaire. L’un de ses côtés, accidenté et rugueux, s’oppose au second couvert par endroit d’un glacis brillant et pas désagréable au toucher. Il est bourré de trous et de cupules de diamètre et de profondeur variable. La majorité de celles-ci renferment un gros clou ou une fiche de fer enfoncé à coup de marteau. Cette curiosité artificielle est le résultat de la pratique d’un ancien rite d’enclouage qui semble s’être perpétué jusqu’au début du XXe siècle, il en sera question plus loin.
            La face ouest du mégalithe est un peu comme la caricature d’un moai de l’Île de Pâques. Le visage est sévère, anguleux, le nez busqué, l’œil clos. Il semble surmonté de « deux espèces de pointes émoussées où les gens du pays veulent voir deux sculptures de figures humaines » (1), d’oreilles ou de cornes selon votre degré d’imagination. Il semble tourner le dos aux bancs de grès affleurant respectivement à 100 et 600 m de là, et que Doigneau et Viré considèrent comme ayant pu fournir matière à sa lointaine naissance. L’abbé Schwab, quant à lui, y voyait plutôt des vestiges de dolmens ruinés, mais rien n’est moins sûr.                   
L’ensemble des anciens documents manuscrits disponibles aux archives départementales, (baux de terres, déclarations de propriétés, sentences d’adjudications et cadastres) mentionnent toujours le grand menhir, à quelques différences près, sous l’appellation de Pierre Fritte. C’est celle que je conserverai tout au long du chapitre. Il semblerait cependant qu’une poignée d’autres qualificatifs aient été immortalisés et mentionnés dans une série d’articles et d’ouvrages s’échelonnant du XIXe au XXe. Lebœuf, Joanne, les anonymes du Dictionnaire archéologique de la Gaule (1875) et de l’Inventaire des mégalithes de France (1880), accomplissant de légères erreurs géographiques, et Leroy(2), en rectifiant le tir, appartiennent à ce groupe d’auteurs pour qui elle n’est qu’une obscure : Pierre ou Roche-Qui-Fuit. De leur côté, Malherbe(3) et Lecotté(4) la nomment : Pierre Fiche, et Quille du Bon Dieu, et enfin Daniel Kramer, cité par René-Charles Plancke(5) dans sa compilation inachevée des mégalithes de Seine-et-Marne, l’inscrit à la liste des monuments historiques en qualité de menhir de la Pierre-Clouée.
            Comme on le voit, les surnoms ne manquent pas. Il suffit pourtant qu’on franchisse la frontière côté Villemaréchal pour que tout se barre en sucette. Ce que je peux établir formellement, c’est que le climat La Pierre Fritte a toujours été dangereusement fréquenté par un autre bien distinct, La Roche Messire Jean. Ils paraissent tous deux assez anciens et contemporains dans le temps, puisqu’on les retrouve déjà et à maintes reprises dans les pages d’un terrier de Villemaréchal et ceci dès les années 1731.   L’étude dans un premier temps du cadastre napoléonien, et par la suite de cartes plus récentes, montre que l’actuel climat de La Pierre Fritte s’étendait autrefois sur les terres de Villemaréchal sous le nom de Pierre Fruitte. A l’époque, le lieu-dit La Roche Messire Jean le prolongeait vers l’est. Aujourd’hui le premier, entraîné dans la mouvance des remembrements, ne survit plus que sur le terroir de Nanteau, laissant sa place sur celui de Villemaréchal au second qui dès lors englobe toute la section.

                Alors, la Roche Messire-Jean se réclamait-elle d’un mégalithe disparu ou n’était-ce qu’un substitut supplémentaire à la Pierre Fritte ?
            Les sources bibliographiques restant muettes sur le sujet, j’ai du me tourner vers la tradition orale pour faire progresser de quelques pas la question. J’ai interrogé plusieurs personnes, dont M. Jean P. de Villemaréchal, qui, n’ayant jamais eu connaissance d’un second bloc, suppose que c’est un autre nom du menhir. C’est vrai qu’il y a le choix. Certains penchent pour le contraire, et affirment que la vallée est tellement riche en grès de toutes sortes qu’il est tout à fait possible qu’une roche ait pu siéger à cet endroit et porter ce nom(6). Mouais… En tous cas personne n’en a jamais eu le moindre écho. Une rumeur circule cependant dans le village, fournissant une explication des plus ténues : Il  aurait existé autrefois un moulin, à la hauteur de l’ancien climat, dont le meunier, prénommé Jean, aurait cédé son patronyme au mégalithe.    
Hypothèse que dément formellement notre précédent interlocuteur, suggérant pour ça que l’emplacement actuel ne recèle aujourd’hui plus aucune trace, ni même la moindre éminence ou vestige d’un bâtiment de ce type. De plus, j’ai un peu de mal à imaginer que le titre d’honneur de Messire, réservé autrefois aux princes ou aux nobles, ait pu être décerné à un meunier. Il aurait été plus juste par exemple de baptiser cette roche, en mémoire d’une quelconque reconnaissance historique, du prénom d’un de ces personnages régionaux célèbres, comme ce Jean Olivier, maître du château de Villemaréchal dans les années 1575, ou ces Messires Jean des Barres, Jean Braque ou encore Jean le Borgne. Tous chevaliers, seigneurs et grands propriétaires fonciers du moment, qui se seraient distingués lors d’un épisode de la Guerre de Cent ans(7), épisode au déroulement tragique, mais très peu éloigné du lieu où s’élève la Pierre Fritte.                
LA PIERRE FRITTE (NANTEAU-SUR-LUNAIN)
            Dans un tout autre registre, notons qu’une autre roche appelée la Petite Pierre Fritte était plantée à une centaine de mètres au sud-est de la précédente, sur le territoire de Villemaréchal cette fois-ci. Gênant la culture, elle aurait été renversée et enterrée vers 1890 par M. Leturque, alors propriétaire du champ.
            Aucune découverte n'ayant été faite lors de son enfouissement, sa véritable identité restera pour l’instant inconnue. Etions-nous en présence d'un bloc en place ou érigé de main d'homme ? Rien ne nous autorise pour le moment à nous focaliser sur l’une de ces deux hypothèses, et ce en dépit de la tendance que semble avoir la tradition orale d’attester de la survivance de certains souvenirs, encore vivaces aujourd’hui. En effet, certains habitants de Nanteau croient que ce modèle réduit d’à peine 1 m de haut était le dernier vestige d’un immense cercle de pierres dont le grand menhir aurait été le pilier central. Ainsi, d’une parole à l’autre, c’est le monument lui-même qui évolue et tend à révéler son authentique et étonnante destination
LA PIERRE FRITTE (NANTEAU-SUR-LUNAIN) 
            La légende la moins ancienne et la plus contestable relate que « La Pierre Fritte a été dressée à cet endroit pour signaler la tombe d'un général mérovingien inconnu, décédé vraisemblablement au cours du Ve siècle ». « C'est le tombeau d'un général (...) il est mort là du temps des grandes guerres et on l’y enterré (...). »(8). A l’origine de cette tradition, vous commencez à en avoir l’habitude, pointent les écrits de l’abbé Béraud et ces monuments érigés afin de commémorer la bataille que se sont livrés vers 599 les descendants de Clovis sur les hauteurs du village de Dormelles.
A ce sujet, on raconte aussi que « la Pierre Fritte attire les fantômes, ils hantent le plateau des Ortures : ce sont les esprits des morts des guerres passées »(9).                
Une seconde légende, citée par les deux Paul, Bailly et Bouex, fait à présent intervenir un être mythique bien connu : le géant Gargantua.
En balade dans la région, « Entre Paley et Villemaréchal, Gargantua entreprit de creuser un nouveau lit au Lunain. Une fois le boulot achevé, il chargea à ras-bord sa hotte et partit pour la vider à la Butte de Trin de Villecerf. Mais tout ne se passa pas comme prévu. En cours de route, il perdit quelques cailloux : la Godiche et le Palet de Villecerf, le menhir de la Pierre Droite à Ecuelles, le dolmen de la Pierre Louve à Episy, les Pierres de la Cheminée Haute et à Villemaréchal la célèbre Pierre Fritte »(10).
            La Pierre Fritte serait donc une pierre de tradition liée au folklore de Gargantua et il est possible alors d’envisager que le nom « Roche Messire Jean » vient peut-être d’une déformation du mot « géant ». En revanche nous avons perdu la trace de la Petite Pierre Fritte, et il faudra attendre quelques années avant que celle-ci, sans aucune raison d’ailleurs, soit réhabilitée dans un ouvrage plus récent où Bailly la rajoute à la liste des « cailloux perdus » par le géant.
            La dernière légende, la plus connue en fait, et sans doute très ancienne selon Armand Viré, comporte de nombreuses variantes observables essentiellement parmi les noms des protagonistes.
            « Saint George, saint Pierre ou saint Eloi..., se promenant un jour vers la vallée du Lunain, rencontra Satan et lui proposa de lui jouer au palet toutes les âmes récoltées dans la journée. La partie acceptée, le saint dresse une quille sur le plateau (la Pierre Frite). Il lance ensuite son palet qui va tomber à une faible distance de la quille (la Petite Pierre Frite), tandis que Satan, trahi par la fortune et d’ailleurs combattu par Dieu du haut des cieux, laissa tomber son palet dans la vallée à plus de 1500 m de la quille, non sans marquer dessus l’empreinte de ses cinq doigts crochus (la Roche au Diable). Cette dernière pierre est un magnifique polissoir » (11).
            Edmond Doigneau la cite avec quelques différences :
            « Le Diable, voulant jouer au palet, prend un gros bloc de grès et le plante sur la hauteur où nous le voyons aujourd’hui (La Pierre Frite). Puis il passe de l’autre côté de la vallée et va se placer sur la colline opposée, dans la direction du hameau de Guerlot, à 2000 mètres environ du but. Selon les uns, Sa Majesté infernale jouait seule ; suivant les autres, elle avait pour partenaire ou plutôt pour adversaire son éternel et tout-puissant antagoniste, le génie du bien, le Bon Dieu. (...) Les deux adversaires saisissent chacun un rocher ; le Bon Dieu lance son palet qui va tomber près du but (c’est la Petite Pierre Frite, dont on voit la relation avec le grand menhir). Maître Satan, toujours présomptueux, prend une roche beaucoup plus volumineuse. Mais, soit par maladresse, accident ou défaut de vigueur, il sent son gros palet s’échapper de sa patte crochue. Il serre plus fortement ses griffes, entre lesquelles le palet glisse. Mais il a beau faire, sa roche ne franchit même pas la vallée, elle va s’enfoncer dans la prairie au bord du Lunain, où elle est encore, et l’on peut voir sur le grès les quatre empreintes profondes que ses ongles y ont creusées et qui ne permettent pas le moindre doute sur l'authenticité du récit »(12).
Il est facile de voir, en dehors de quelques différences (il y a en réalité quatre rainures de polissage sur le palet de Satan,), que ces deux histoires sont pratiquement similaires. Il en est de même pour chacune des versions, où il est toujours établi que la Pierre Fritte sert de quille aux joueurs, la Petite Pierre Fritte de palet au saint ou à Dieu, et le beau polissoir néolithique de la Roche au Diable de disque à Satan.
A propos de ce monument, Gabriel Leroy écrit :
« Une tradition populaire attribue ces excavations à des empreintes laissées par les griffes du Diable cherchant à les retirer de dessous le pied de saint Michel »(13)
On m’a raconté également que le Diable revenait fréquemment dans la vallée pour tenter de récupérer son palet. Un jour il disparaîtra.
Un autre récit, voisin des deux précédents, a été rapporté par Armand Viré :
« Un jour Satan faisait sa tournée sur les bords du Lunain, mais jusque là la chance lui faisait défaut : tous les mourants étaient en état de grâce. Satan fatigué et mélancolique s’assied sur la colline et contemple le paysage. Son œil se porte sur la Pierre-Frite qui se dressait sur le plateau en face. «  Tiens, s’écrie Satan, voyons si je serai aujourd’hui plus heureux en jouant avec cette quille qu’en recherchant des âmes ? » Et aussitôt, saisissant un rocher, il le presse dans sa main si fortement qu’il y imprime la trace de ses doigts crochus, et il le lance fortement dans la direction de la Pierre-Frite. Mais Dieu veillait du haut des Cieux ; il étend  la main et le palet tombe lourdement à terre dans la prairie, à l’endroit où on le voit encore aujourd’hui. Satan, furieux, lance à la face du Seigneur un effroyable jurement, et se précipite dans le Loing par où il rentre en enfer, en laissant derrière lui un tourbillon dangereux pour les barques qui ne s’est jamais refermé depuis »(14).
            Quelques mots encore à propos du mythe des joueurs de palets. J’ai piqué la majorité des idées qui vont suivre à Mme Iablokoff et à son étude publiée dans le 88e numéro du Bulletin de la Société de Mythologie Française.            
Pour cet auteur, le jeu de palet avec défi et enjeu à l’appui traduit le combat entre le christianisme naissant et les vieilles croyances archaïques. C’est la lutte éternelle, manichéenne, opposant la lumière aux ténèbres, le bien au mal, le truc classique quoi. On retrouve d’ailleurs au sein du contexte hagiographique environnant plusieurs saints dont les activités rappellent avec raison cette bataille immémoriale. Par exemple saint Georges et saint Michel, dont l’étiquette bien connue de tueurs de dragons n’est plus à présenter, sont les protecteurs respectifs de Paley et de Villemaréchal, épaulés de près par saint Cézaire, ce farouche adversaire du paganisme et patron de Nanteau-sur-Lunain. Cependant si ce côté positif est clairement défini par ces personnages ou à défaut par Dieu lui-même, la difficulté pèse lorsque l’on tente de cerner véritablement leur adversaire supposé.
            Dans le cas qui nous occupe, deux participants sont présents, bien que n’intervenant pas directement dans le même conte. Il s’agit du Diable et de Gargantua. Les problèmes commencent dès lors que l’on constate que la limite démarquant ces deux protagonistes est loin d’être nette et précise. Le premier est bien souvent assimilé au second ou le désigne parfois et inversement. Des tas de récits et de contes populaires en témoignent et démontrent une règle de substitution assez courante, fruit de l’un des procédés d’évangélisation institué par l’Eglise : la diabolisation ou l’annexion d’une divinité ancienne au profit d’une figure démoniaque ou terrifiante, inspirée des terreurs chrétiennes. Pour Guy-Edouard Pillard, sur le territoire de l’ancienne Gaule le Diable désigne le Gargantua primitif, qui est en quelque sorte le premier occupant divin du lieu, une déité inconnue, amalgame de divers autres principes primordiaux. Cette formule que l’on pourrait regarder comme un raccourci a au moins l’avantage de discréditer totalement la représentation négative et démoniaque du second joueur. Ce dernier viserait donc à se rapprocher de Gargantua ou plutôt de celui qu’il incarne à son tour, et plusieurs éléments tirés du légendaire pourraient accréditer cette hypothèse.
            Si l’on considère de manière abstraite et anonyme les personnages de la première légende, celle-ci présente le futur perdant portant un sac, gonflé des âmes qu’il est parvenu à récolter dans la journée. Le vainqueur intervient alors et lui propose de jouer la totalité de ses gains au palet. On s’aperçoit rapidement que le jeu n’est qu’un grossier prétexte à une autre réalité, beaucoup plus dramatique. Il semble finalement détourner cette entité de son chemin initial, puis l’écarter définitivement du rôle de psychopompe auquel elle est attachée. Désormais elle devra comprendre par la leçon qui va bientôt lui être donnée que d’autres se chargeront de son travail et qu’elle n’a plus qu’à abandonner la partie.     
            Cette identité de passeur des morts qu’elle revêt paraît s’imbriquer sans trop de mal dans le contexte géographique où elle évolue. L’orientation Nord-Sud de la marche des joueurs, puis celle, inverse, de la trajectoire des palets, dont la syllabe pal, étudiée par Henri Fromage, rapproche une fois de plus notre personnage des lieux souterrains où siège le royaume des morts, ramène et clôt le cycle au point cardinal extrême, achevant par ce geste la révolution symbolique des vies, transportées sous la forme d’âmes.
            La rivière du Lunain que les joueurs traversent est également lié à cet aboutissement, et sans doute plus particulièrement au rite du passage de la vie à la mort, signalé par cette entrée aux Enfers que le Diable emprunte dans la dernière légende, une mort non physiologique bien sûr mais plutôt initiatique, symbolisée par l’immersion, la renaissance et la purification au sein de l’eau courante. Le parcours lui-même semble correspondre à une sorte de code ou d’itinéraire plus ou moins logique et peut-être inspiré d’une démarche sacrée : départ d’une hauteur, puis descente au fond d’une vallée, passage de la rivière et du gouffre, puis retour à un sommet, le lieu-dit Guerlot où s’effectue la lancée du palet étant quasiment à une altitude identique à celle du plateau qui accueille la Pierre Fritte, riche de traditions. Ces traditions, partagées à divers degrés par les différentes roches préalablement étudiées, concernent aussi notre mégalithe.

LA PIERRE FRITTE (NANTEAU-SUR-LUNAIN) 
                 En ce qui concerne la Pierre Fritte, la coutume d’enclouage dont je vous ai parlé au début paraît avoir été relatée pour la première fois par TH. Volkov, qui a sûrement été rencardé par Armand Viré. Ce dernier prétend : « Que ce sont les jeunes gens de la localité qui viennent enfoncer ces clous et ces épingles dans le menhir, dans la croyance que cette action les fera se marier promptement »(15)
De son côté, l’abbé Schwab ajoute que 
          «  Le menhir de la Pierre Fritte a été jadis un lieu de rendez-vous de la jeunesse ; et toujours d’après la légende, les jeunes filles qui désiraient se marier dans l’année s’y rendaient accompagnées pour enfoncer, dans l’antique Menhir, d’énormes clous dont on aperçoit encore aujourd’hui les vestiges rouillés ». »(16).
En 1906 Viré, en donne une toute autre version, la plus connue : « Il n’y a pas beaucoup d’années que les paysans venaient encore clandestinement y amener  des animaux et même des gens malades. On faisait trois ou sept fois le tour de la pierre en prononçant des formules ‘qui n’étaient plus comprises’ de ceux qui les employaient. Puis, pour fixer le mal, on fichait dans la pierre un clou que l’on cassait au ras du trou, ou bien auquel on suspendait certaines fleurs (verveine et euphorbe principalement) ou des boulettes de terre »(17).
            La « Compile » des mégalithes de Seine-et-Marne apporte quant à elle quelques précisions sur le type d’affection soignée, en propageant sans aucun motif cette coutume à l’ensemble des monuments voisins : « la Pierre Frite avait comme tous les mégalithes de la région (???) la propriété de guérir les animaux qui tournaient autour, de « fixer » le mal (particulièrement celui de dents) des humains qui y plantaient un clou »(18).
            Dans un article écrit en 1940, le docteur M. Baudoin nous offre une toute autre interprétation de cette coutume d'enclouage. Laissons-le s’exprimer :
            «  Je connais en France deux menhirs en grès, qu’on peut appeler des menhirs à clous, à l’instar des statuettes de bois d’Afrique, dites fétiches à clous (...). Le premier est appelé la Borne à Clous de Douai (Nord), prise jusqu’à présent pour une borne du Moyen-Âge ou gallo-romaine et qui est en réalité un ancien menhir en grès, transformé et percé de trous à clous (...). Mais cette pierre est d’une grande importance, car c’est elle qui donne  l’explication véritable du vrai menhir intact à clous de la région de Nemours, la Pierre Frite, en la commune de Paley (sic) (Seine-et-Marne). Voici, d’après la légende de Douai, l’explication de la présence des clous : si les chevaliers revenant de la Guerre ou des Croisades étaient encore capables d’enfoncer des clous dans une pierre dure, ce qui forcément devait être un grès, c’est qu’ils étaient demeurés fidèles, sans doute à leur Seigneur ou à leur épouse. On ne spécifie pas le genre de fidélité au demeurant à Douai ! Ce qui est très regrettable »(19).
LA BORNE A CLOUS DE DOUAI (PHOTO DE SERGE OTTAVIANI) 
          Baudoin précise par la suite qu’il ne connaît que les légendes fréquemment rapportées à propos de la Pierre Fritte, et que pour lui seule l’origine de ce rite est commune à ces deux mégalithes (cf. plus bas). Ceci sous-entend en fait que la coutume observée par les chevaliers sur la Borne de Douai ne s’applique pas fatalement à la Pierre Fritte. Cependant, même si dans la tradition leur rapport est loin d’être évident, ce texte a au moins le mérite de signaler cette hypothèse, que l’on doit toutefois envisager avec certaines précautions.    
            Comme nous avons pu le constater, les légendes n’évoquent à aucun moment l’idée que des chevaliers se rendaient à la Pierre Fritte pour prouver leur fidélité. A présent, si l’on s’éloigne d’une dizaine de kilomètres au sud-est, on arrive au village de Vaux-Sur-Lunain. Je vous rappelle que ce hameau est sous le patronage de saint Gengoult qui est le patron des mal mariés et des maris trompés. Du coup, l’explication de Baudoin prend une connotation intéressante. Si l’on considère que cette coutume ne visait que l’infidélité entre époux et non la loyauté envers le Seigneur, on n’a aucun mal à se laisser aller au parallèle existant entre les deux. Bien entendu, ce rapprochement qui était à signaler n’engage à rien. D’un côté nous avons des chevaliers devant fournir la preuve de leur fidélité, et à l’inverse un saint patron des maris cocufiés. Mais on peut imaginer aisément qu’à une lointaine époque, sous le couvert du saint, les maris soupçonneux allaient peut-être planter un clou à la Pierre Fritte pour savoir si leur épouse leur était restée fidèle ou non.
Selon Paul Bouex, ce mégalithe ferait parti de deux alignements distincts. Le premier comprendrait la Roche à Blain et aboutirait au dolmen de la Pierre Louve, et le second serait composé d’une des Roches Saint-Barthélemy, de la Pierre Levée du Moque-Baril à Nonville et s’achèverait avec la sépulture de Pleignes.


Une dernière remarque pour finir : Notre collègue Bernard Théret a repéré sur la commune de Nanteau un bloc plutôt curieux et situé à moins de 800m de la Pierre Fritte. Lieu-dit : Le Bois Bonleu, parcelle 89, cordonnées : X : 636,774/ Y : 1062,086. Ce grès à la forme d’une grossière pyramide triangulaire. Son relief est assez tourmenté et percé de trous, et de diverses cupules couvertes en partie de mousse. Le sommet présente une légère dépression. Comme dans notre menhir, on a planté dans les cavités de cette roche plusieurs clous de fer (j’en ai trouvé trois, pas très loin du sommet, à hauteur d'homme donc) dont un plutôt récent. Une tradition semblable à celle de la Pierre Fritte est-elle observée auprès de cette roche ? Je n’ai pour le moment aucune information supplémentaire pour étayer cette hypothèse.     
LA PIERRE A CLOUS DU BOIS DE BONLEU
(NANTEAU-SUR-LUNAIN)



(1) Armand Viré : Les mégalithes de l’arrondissement de Fontainebleau, L’Homme Préhistorique n°4, Avril 1906, p 105.
(2) Gabriel Leroy : Pierres druidiques de l’arrondissement de Fontainebleau, Lettre manuscrite (collection Gabriel Leroy), Archives Départementales de Seine-et-Marne. (Réf : 968F.13) 
(3) Paul Malherbe : Monuments mégalithiques dans la commune de Nanteau-sur-Lunain, Bulletin de l’Association des Naturalistes de la Vallée du Loing, XV, 1932. (p 80)
(4) Roger Lecotté : Recherches sur les cultes populaires dans l’actuel diocèse de Meaux, mémoire n°4 de la Fédération Folklorique d’Ile-de-france, 1953, p 155.
(5) René-Charles Plancke : La « compile » des mégalithes ou menhirs et dolmens en Seine-et-Marne, Notre Département : la Seine-et-Marne, N°47, Février-Mars 1996, p 41.
(6)Pour appuyer cette réalité, précisons que le cadastre Napoléonien de la commune de Nanteau, mentionne sept « topolithonymes », ce sont : les Rochettes, la Pierre Longue, les Roches Cocus, les Roches Gonnet, les Roches de la Justice, les Roches Foucault, le Clos des Roches.   
(7) Henri Stein : L’affaire de Villemaréchal, Paris, chez Alphonse Picard, 1893, p 10 et 21.
(8) Edmond Doigneau : Nemours, Paris, 1884, p 145.
(9) Marc Viré : Le site antique de la Cave aux Fées, BGASM, n° 18/19, 1977/78, p 141 et tradition orale.
(10)Paul Bailly : Légendes au cours des siècles en Seine-et-Marne, Traditions Populaires, 1978, p 29.
(11) Armand Viré : Op.cit, p 106.
(12) Edmond Doigneau : Op.cit, p 147.
(13) Gabriel Leroy : Pierres druidiques de l’arrondissement de Fontainebleau, Lettre manuscrite (collection Gabriel Leroy), Archives Départementales de Seine-et-Marne, 968 F.13. 
(14) Armand Viré : Légende de la Pierre-Frite ou la Quille du Bon Dieu et le Palet du Diable, Revue des Traditions Populaires, Tome VIII, n°8-9, Aout/Septembre 1893, p 448-449.
(15) Théodore Volkov : Le menhir de la Pierre-Frite et le mariage, Revue des Traditions Populaires, Tome VIII, n°8-9, Aout/Septembre 1893, p 448.
(16) Abbé Schwab: Op.cit, p 9.
(17) Armand Viré : Op.cit, p 106.
(18) René-Charles Plancke : Op.cit, p 45.
(19) Marcel Baudoin : Les menhirs à clous. Survivance d’un ancien rite totémique de l’Arbre Sacré, Bulletin de la Société Préhistorique Française, Juillet-Septembre 1940, p 183.


Le moine, le cheval et l'escargot
                        Question : à Darvault, on l’a longtemps pris pour une borne. Qui est-ce ?
                      Si vous avez répondu la Pierre des Moines, vous avez tout bon, car il s’agit bien d’elle. D’ailleurs c’est un peu à cause de ça si ce petit menhir d’1,70 m de haut existe encore aujourd’hui. Parce qu’il était utile à quelque chose. Il servait de borne aux territoires de Nemours et Darvault. Aussi loin qu’on remonte dans le temps, ça a toujours été son boulot. Au XVIIIe, par exemple, il s’appelle déjà comme ça. On le connaît aussi sous d’autres noms : Borne des Bois Pimont ou Pierre des Moines. Paul Bouex suppose que moine viendrait du celtique maen, (pierre). Visiblement maen est un nom breton qui n’était pas forcément employé par chez nous. Il présume également que c’est à cause de sa forme. De loin, le mégalithe aurait l’apparence d’un moine encapuchonné. Ce qui est déjà mieux.
LA BORNE DES BOIS PIMONT (DARVAULT)
                          A 2 km vers l’est, au croisement de la route de Fromonville à Darvault et de celle du Landy à Darvault se trouve la Grosse Roche. Elle a un peu l’aspect d’un énorme gastéropode auquel il manquerait les antennes. Paul Bouex, toujours lui, aurait remarqué sur ce bloc une cupule et un grand sillon qu’il qualifiait d’artificiels, et un certain docteur Dalmon, une sculpture en forme de sabot d’équidé, mammifère appartenant à la même famille biologique que le cheval, tels les ânes et les zèbres. J’ignore s’il y avait beaucoup de zèbres par ici, ou alors c’était il y a longtemps. Ce n’est pas très grave, parce qu’il semblerait que ces cavités soient dues à l’érosion. C’est Monique Olive qui l’affirme.
LA GROSSE ROCHE (DARVAULT)

CUPULE SOMMITALE (LA GROSSE ROCHE (DARVAULT) 

EMPREINTE D'ÉQUIDÉ (LA GROSSE ROCHE (DARVAULT)

                           Bouex a mentionné pareillement une série d’empreintes sur le plateau rocheux de la Barrauderie : une représentant un pied humain, et deux autres d’équidés. Elles sont plutôt frustes, mais « sont disposées sur une seule et même ligne, faisant un angle de 60° vers l’Ouest »(1).
                        Un menhir disparu se trouvait autrefois au niveau de l’actuel péage de Nemours. Bouex, qui l’a étudié, prétend qu’il mesurait plus de 6 m de longueur. Il reste introuvable aujourd’hui. Il s’appelait la Pierre de la Chapelle.
LA PIERRE DE LA CHAPELLE, DESSIN PAUL BOUEX (DARVAULT)
                            
                  Si on en croit notre auteur, les trois monuments précédents et le menhir de Cherelles s’aligneraient pour indiquer le dolmen de la Pierre Louve. A peu de choses près, comme toujours.
                                                                                                
(1)  Paul Bouex : Le Bonnet de Loup, Bulletin de la Société Préhistorique Française, 1919, p3.


Promenade dominicale
Comme vous commencez à être vraiment familiers des empreintes pédiformes, je ne vais pas me priver pour vous en présenter une nouvelle. Il s’agit du Pas-Dieu. Elle est située le long de la D 98, dans un minuscule rectangle de bois, à l’ouest de Saint-Pierre-lès-Nemours. Le banc de roches qui s’y trouve a été exploité par les carriers, puis abandonné. La cavité est restée intacte, et le rocher qui l’abrite également. Il n’est pas facile de la repérer, car le bloc est souvent couvert de feuilles mortes et de végétation et l’empreinte pleine de flotte et de boue.
LE PAS DE DIEU (SAINT-PIERRE-LES-NEMOURS)

             Si vous parvenez à surmonter tout ça, vous ne mettrez pas longtemps à remarquer qu’il n’y a pas une seule empreinte, mais quatre, et encore, Bouex ne prend en compte que les trois premières. Je vous l’accorde, il n’y a que la première qui ressemble à peu près à un pied gauche humain, grand et profond. Pour les trois autres, il faudra soit vous y faire, ou soit beaucoup travailler sur vous-même pour vous y convaincre. Rassurez-vous, elles n’en restent pas moins un élément essentiel des légendes qui vont suivre :
« Dieu décida un beau jour de faire un tour chez nous, et descendit du ciel pour atterrir sur ce rocher. Ce que tout le monde ignorait, c’est qu’il n’était chaussé que d’un seul sabot. Son autre pied était nu. L’avait-il perdu durant sa descente, ou n’avait-il pas les moyens de s’en faire tailler une paire ? (de sabots, bien entendu) Mystère. Ça ne l’empêcha pas d’imprimer son divin copyright jusqu’au jour du Jugement Dernier. Bref, pour résumer, la première empreinte serait celle de son pied nu et la seconde, celle de son pied ensaboté »(1).
Une autre variante prétend que :
« La première cavité est la trace du pied de Dieu, la seconde celle de Marie et la dernière celle de Jésus »(2).
Pour Bouex, cette cavité qui est déjà mentionnée au début du XVIIe a pu faire l’objet d’un culte préhistorique. Il aurait d’ailleurs trouvé de nombreux outils néolithiques et un morceau de hache polie à proximité.              
            «  Il est certain qu’aux temps historiques, on a dû remarquer de bonne heure la cavité pédiforme, et, en raison de son origine et de ses dimensions qui paraissaient alors surnaturelles et ne pouvaient être attribuées qu’à Dieu, ou au Diable, la dénomination de Pas-Dieu, qui s’est conservée jusqu’à nous, est résulté tout naturellement »(3).
Vas-y Paulo, on est à fond avec toi !



(1, 2 et 3) Librement inspiré de : Paul Bouex : Le Pas-Dieu, l’Homme Préhistorique, n°4, 1913, p 119 et 122.


                Autant vous le dire tout de suite : le rocher de Pierre-le-Sault, rive droite du Loing à 3 km au sud de Nemours, n’a rien à voir avec la boîte de nuit du Scanner Club édifiée à ses côtés. Mais alors rien du tout. A ma connaissance, cette roche n’est pas un lieu de divertissement nocturne. Elle ne possède pas d’espace de danse et on y entend si rarement de la musique que ça ne vaut pas la peine qu’on s’y arrête. Pour ça en tous cas. En fait, on la connaît surtout pour sa stature imposante, sa petite plaque indicative (c’est la seule pierre légendaire à en avoir une) et le récit dramatique qui y est attaché. Le voici, recueilli par Paul Bailly :
                            « Une jolie bergère, vertueuse comme pas une, gardait son troupeau dans les environs du rocher. Un certain Pierre de Harlay, seigneur du lieu et frétillant gentilhomme, croisa son chemin. La chevrière était plutôt jolie. Le jeune homme commença à lui faire la conversation. Il lui demanda où elle habitait, ce qu’elle faisait de sa vie, etc. Voyant que l’autre n’était pas farouche, il se fit soudain plus entreprenant. Il s’approcha plus près et tenta de lui faire connaître la teneur de son désir. La jeune fille prit soudain peur et s’enfuit à toutes jambes. Sans plus attendre, De Harlay se leva et la poursuivit. Epouvantée, la bergère fila en direction du rocher, grimpa au sommet et se retrouva coincée. Alors, en désespoir de cause et sans aucune hésitation, elle sauta dans le vide. Elle fit un bon d’au moins 25 m et atterrit dans la rivière qui l’engloutit aussitôt. Pris de remords et paniqué le jeune homme se jeta à son tour du haut du rocher et se noya également. Depuis, dans les eaux claires du Loing, sous les algues et les herbes aquatiques qui ondulent, reposent pétrifiés les corps des deux jeunes gens ».
               Sur une carte postale du début du XXe siècle on peut lire :
« C’est du haut de cette roche qu’un gentilhomme
Pierre de Harlay, après un terrible drame
Qui causa pendant 20 années sa folie,
Se précipita dans la rivière du Loing (XIIIe
siècle) »
                A noter que sur le plan d'intendance du dix-huitème siècle, elle est désignée sous le simple nom de "Roche".




Au menu 3 : encore des Dames Blanches, des sources votives et des boules dans le ciel
                     A Saint-Pierre-lès-Nemours, d’anciennes sources, aujourd’hui pompées et envoyées vers Paris à travers l’aqueduc du Loing et du Lunain, passaient pour être hantées par les Dames Blanches. Elles faisaient partie de la propriété de l’abbaye de la Joie dont il ne reste aujourd’hui qu’un porche d’entrée. C’est là que la maison de retraite intercommunale a été construite. Bouex prétend qu’on y a trouvé divers éléments de silex, dont une hache polie, ainsi que des monnaies de diverses époques. Ces objets auraient été présentés à Grez-sur-Loing en 1900, suite aux travaux de captage effectués pour la capitale.
                        Fondée en 1221 par Philippe II seigneur de Nemours et chambellan de saint Louis, l’abbaye de la Joie portait alors le nom Sainte Marie de Nemours. « On doit son changement à la reine Blanche, qui allant au devant de saint Louis qui revenait d’une expédition contre les Anglais, l’embrassa tendrement et avec joie sur le seuil de l’abbaye, qui, depuis et en mémoire de cette heureuse circonstance, reçut le nom qu’on lui connaît à présent ».


                  « Près de Nemours, des ouvriers qui travaillaient dans la carrière de Pierre le Sault observèrent le 22 novembre 1978 plusieurs boules qui tournaient à grande vitesse. Elles laissaient derrière elles des traînées de condensation ».
                 « Le vendredi 3 novembre 2000, un jeune homme circulait en voiture avec un ami sur une route de campagne. Tandis qu’ils arrivaient sur la commune de Bagneux-sur-Loing, ils virent alors un phénomène étrange. Cela se passait aux environs de 20 h. Au début, ils distinguèrent dans le ciel comme une énorme boule bleutée et lumineuse. Puis il leur sembla que la lueur que générait la sphère diminuait d’intensité. Suite à ça, ils aperçurent alors une sorte de longue flamme rouge s’allumer et le globe parut aller plus vite. Il volait à basse altitude, pas très loin des deux observateurs. Il venait de l’Est et filait vers l’Ouest. Il n’y avait aucun bruit. L’un des témoins, qui avait déjà observé des météorites, prétend que ce qu’ils ont vu n’avait rien à voir avec ce genre d’objets célestes ».


BIBLIOGRAPHIE


Anonyme, Renseignements sur les traditions, coutumes et croyances des vallées de l’Orvanne et du Lunain, 1930 ? ADSM : 968 F6.
Paul Bailly, Légendes au cours des siècles en Seine-et-Marne, Traditions Populaires, 1978.
Paul Bailly, Toponymie en Seine-et-Marne, éditions Amattéis, 1989.
Marcel Baudoin, « Les menhirs à clous. Survivance d’un ancien rite totémique de l’Arbre Sacré », Bulletin de la Société Préhistorique Française, Juillet-Septembre 1940.
Paul Bouex, « Les mégalithes des environs de Nemours », L’Homme préhistorique, n°10, 1912.
Paul Bouex, « Notes de préhistoire locale sur 3 menhirs inconnus du Gâtinais Français », Bulletin de l’ANVL, n°3/4, 1929.
Paul Bouex, Les origines de Nemours, Fontainebleau, 1923.
Paul Bouex, « Le Pas-Dieu », l’Homme Préhistorique, n°4, 1913.
Cadastre napoléonien de la commune de Nanteau-sur-Lunain, Archives Départementales de Seine-et-Marne, 4P. 34/312.
Cadastre napoléonien de la commune de Villemaréchal, Archives Départementales de Seine-et-Marne 4P.34/486.
Edmond Doigneau, Nemours, Paris, 1884.
Henri Dontenville, Mythologie Française, Payot, 1998.
Henri Fromage, La France Mythologique, Paris, Henri Veyrier, 1988.
Henri Froment, « Sainte Avoye », Bulletin des Amis de Bourron-Marlotte, n°2.
Paul Joanne, Dictionnaire géographique de Seine-et-Marne, 1893.
Louis Lebœuf, Précis d’histoire de Seine-et-Marne, réédition Amattéis 1994.
Roger Lecotté, Recherches sur les cultes populaires dans l’actuel diocèse de Meaux, mémoire n°4 de la Fédération Française Folklorique d’Ile-de-France, 1953.
Gabriel Leroy, Pierres druidiques de l’arrondissement de Fontainebleau, Lettre manuscrite (collection Gabriel Leroy), Archives Départementales de Seine-et-Marne, 968 F.13.
Paul Malherbe, archives privées, 1930.
Louis Michelin, Essais historiques, statistiques sur le département de Seine-et-Marne, à Melun chez Michelin, 1829.
Abbé Migne, Encyclopédie Théologique, tome 40e / Dictionnaire hagiographique tome 1er, Ateliers Catholiques du Petit Montrouge, Barrière d’Enfer de Paris, 1850.
Paul Malherbe, « Monuments mégalithiques dans la commune de Nanteau-sur-Lunain », Bulletin de l’Association des Naturalistes de la Vallée du Loing, XV, 1932.
René-Charles Plancke, « La ‘compile’ des mégalithes ou menhirs et dolmens en Seine-et-Marne », Notre Département : la Seine-et-Marne, N°47, Février-Mars 1996.
Guy-Edouard Pillard, Le vrai Gargantua, mythologie d’un géant, Imago, 1987.
Abbé Pougeois : Moret sur Loing, à Moret, 1889.
Plans de cadastres de la commune de Nanteau-sur-Lunain et de Villemaréchal mis à jour pour 1987 et 1988, Centre des Impôts de Fontainebleau.
Terrier de la seigneurie de Villemaréchal, Archives Départementales de Seine-et-Marne, E 90. La Pierre Fritte est citée en 1731 et également le 6 Octobre 1735, la Roche à Messire Jean, le 26 Octobre 1739.
Rattier, Perrette décoiffée ou la guerre de Villethierry, préface de l’abbé Béraud, Paris, 1822.
Sentence d’adjudication de la terre de Nanteau-sur-Lunain à Jean-François de Saulieu demeurant à Nevers, mari de Madame Petit de Nanteau, le 3 septembre 1790, Archives Départementales de Seine-et-Marne, 798 Fl.
Abbé Schwab, Paley préhistorique, Société Archéologique de Seine-et-Marne, Nemours, 1923.
Henri Stein, L’affaire de Villemaréchal, Paris, chez Alphonse Picard, 1893.
Armand Viré, « Les mégalithes de l’arrondissement de Fontainebleau », L’Homme Préhistorique n°4, Avril 1906.
Armand Viré, La vallée du Lunain aux âges préhistoriques, le Mans, 1926.
___________________________________________________________

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire