SALON D'ART ANIMALIER

SALON D'ART ANIMALIER

dimanche 17 mai 2009

Canton de Moret-sur-Loing

Canton de Moret-sur-Loing

Moret-sur-Loing
1) De la magie insondable des abîmes… (L'abîme de Borneau, le Ru des Trémorts et la légendaire bataille de Lato Fao)
2) Une Dame Blanche pas si blanche que ça après coup (La Dame Blanche de Moret et des environs)
3) Humour façon Dame Verte (la Mère Galu et autres Dames Vertes)
 4) La tirelire de César, période motte féodale et Co (le trésor du calvaire)

Ecuelles
5) Parler de Gargantua en commençant par ses pieds (les sépultures préhistoriques d’Ecuelles, le menhir de la Pierre Droite, bref topo sur le géant Gargantua, joueur de quilles et de palets)
6) D’abord saint Nicaise, ensuite la Pierre à la Coqueluche et s’il reste de la place une pierre Saint-Martin et une roche Pince Ribau (la Cave de Saint Nicaise et le trésor du Diable, la Pierre à la Coqueluche et les énigmatiques Roche Pince Ribau et Pierre Saint-Martin)

Vernou-La-Celle-sur-Seine
7) Un saint Loup moins un saint Fortuné, ça fait combien ? (Légendes de la Fontaine Saint Fortuné et de la chapelle Saint Loup, le bain de pieds de Gargantua)
8)Il n’est point de trésor : seuls demeurent les prospecteurs clandestins aspirés par le néant de leurs découvertes (Légende du trésor du château du Vieux Graville)

Episy
9) De l’alignement mégalithique au palet de Gargantua (Le dolmen de la Pierre Louve, légendes, destruction et loi dite « des menhirs péri-sépulcraux »)
10) L’appartement du dessous (La Cave au Diable)
11) Le templier fantôme (un revenant dans le clocher de l'église)

Villecerf
12) Les pierres du marquis (La Cheminée Haute, la Roche du Saut, un mystérieux cercle de pierres, et une roche griffée par le Diable)
13) Gargantua, encore et encore (Création de la Montagne de Trin)
14) Maçonnerie (Mélusine au Château de Saint-Ange)

Dormelles
15) Pierre au trésor et lutin gueulard (La Pierre levée de Dormelles, la Pierre à Glissade, dite »le Toboggan », et le toponyme « le Huchoir du Huchot »)
16) Le Fort de Challeau, version légendaire (le tombeau de la reine Frédégonde, trésor enfoui et souterrain)
17) La Source de la Commanderie, ou projet de centre Hospitalier pour les non-voyants (fontaine miraculeuse et souterrains)
18) Trois abîmes pour le prix d’un (le Grand Abîme et le carrosse englouti)

Villemer
19) Des lumières dans la nuit (Légende de la Mare des Ardents)
20) L’effet Allée Couverte(Bezanleu : souvenir d’un monument mégalithique ?)
21) les noyés-fantômes de Villemer (Revenants de l'ancien étang de Villemer)
22) Glouglous d'enfer à la Mare aux Chats (Légende de la Mare aux Chats) 

Montigny-sur-Loing
23) A propos de verrues (La Roche à Boule)
24) C’est un bon endroit pour mourir (La Roche au Nom et ses gravures rupestres)
25) Un fossile humain, c’est possible ! (Gabriel de Mortillet, 1821-1898) (Histoire du prétendu « Homme Fossile » du Long Rocher)

Saint-Mammès, Thomery, Episy
26) Au menu 2 : des chiens enragés, des ovnis, une clef récalcitrante et une statue pleurnicharde (Saint Mammès et les chiens enragés, OVNIS et deux histoires étranges)

Canton de Moret-sur-Loing
27) Le félin-mystère (l’Affaire du félin mystérieux, Novembre/Décembre 2007)

Ville-Saint-Jacques
 28)Architecture Romaine pour Brigands économes(Trésor de brigands)

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De la magie insondable des abîmes…
               Les abîmes aquatiques, s’ils sont parfois bien utiles pour fournir de l’eau en abondance, suscitent en revanche une quantité de rumeurs et de récits fantastiques. De nombreuses variantes du carrosse englouti ont ainsi été recueillies aux quatre coins du pays. Vous comprendrez donc que la Seine-et-Marne n’est pas la seule région de France où circule ce genre d’histoire. A Moret, d’ailleurs, on ne parle pas de carrosse, mais d’un char. J’ignore s’il s’agit du véhicule à deux roues de l’antiquité, ou de cette charrette tirée par des animaux qu’on utilisait autrefois dans les campagnes. Si tel est le premier cas, l’événement semble remonter assez loin dans le passé. La légende, elle, va au plus simple et ne s’embarrasse pas de ce genre de détails. J’en ai récupéré deux versions, sensiblement identiques à quelques mots près.
                          Le laconique Georges Lioret, commentant les fouilles des ruines gallo-romaines du Plateau des Gros, nous raconte : « qu’en des temps inconnus, un char à six chevaux rempli de voyageurs s’effondra dans l’Abîme de Borneau »(1). On n’en saura pas plus. M. P. de Moret est un peu plus précis : « Un char transportant 3 personnes aurait dévié de son chemin pour plonger dans l’Abîme de Borneau, abîme qui à l’époque était beaucoup plus profond. » Il ajoutait « que le bruit du galop des chevaux se faisait parfois entendre, quand le niveau de l’eau était au plus bas ». Pougeois plus simplement encore : « Que pendant une chasse, une voiture attelée de plusieurs chevaux ait disparu tout entière dans ce précipice, sans laisser aucune trace » et ajoute curieusement : « Peut-être cette voiture et ces chevaux n’étaient-ils qu’un simple canard »(2).
            D’après la tradition, et comme dans beaucoup de cas similaires, les profondeurs de cet abîme seraient insondables. M. P. m’a raconté que deux indigents nommés Nénette et Ouin-Ouin, qui vivaient à proximité, s’y seraient également noyés. Le nom de Borneau semble issu du terme pré-celtique born indiquant un « trou, une cavité naturelle », et aurait donné en latin bornellus, « source, trou d’eau »(3). Ce gouffre, logé dans la plaine du Vieux Pont, est toujours alimenté par le Ru des Trémorts qui coule sur la rive gauche du Loing, avant de s’y jeter un peu avant Moret. On peut s’y rendre en empruntant la rue Madame et ensuite le Chemin des Prés.
            M. P. suppose que le ruisseau aurait été baptisé en souvenir des disparus du tragique accident. On peut donc penser qu’une mutation de langage nous aurait fait passer de trois morts à Trémorts. Possible. Reste à savoir si c’est la légende qui a donné son nom au ruisseau ou le contraire. En attendant, ça sera toujours mieux que certaines bizarreries historiques répandues par Alexandre-Désir Teste d'Ouet et la bande de l’abbé Pougeois qui n’ont pas fait que raconter des âneries, mais en ont aussi écrites. Une fois de plus, jouant avec les toponymes et les mégalithes du coin, ils s’imaginaient avoir entre les mains une preuve supplémentaire visant à blanchir ses interprétations « hénaurmes » de la légendaire bataille de Lato Fao (la jumelle de celle des Trois Rois) censée s’être déroulée dans les alentours de Moret en 596. Pour eux, le Ru des Trémorts tout comme le climat le Veuve (Champ des Veuves) renvoie aux 30 000 victimes de cette bataille, voir même aux soldats de Clotaire fuyant le massacre de Dormelles, trois ans auparavant. 

(1) Georges Lioret : Notes sur les fouilles des Gros près Moret-sur-Loing, à Fontainebleau, 1907, p 12.
(2) Abbé A. Pougeois : Moret sur Loing, Moret, 1889, p 21.
(3) Charles Kraege, Gilbert Künzi : Rivières romandes : à la source de leurs noms, Editions Cabedita, 1999, p 52,  Mario Rossi : Dictionnaire étymologique et ethnologique des parlers brionnais : Bourgogne du sud, EPU, Éditions Publibook 2004, p 127 et http://henrysuter.ch/glossaires/toponymes.html.

L'ABIME DE BORNEAU (MORET-SUR-LOING)
                    Alexandre-Désir Teste d'Ouet pense que Trémorts viendrait de Très-mort, en souvenir «  Des flots de sang qui, roulant dans son lit, ont été arrêtés par des monceaux de cadavres, se sont répandus dans la prairie, et cette riche campagne a été fertilisée par les dépouilles de nos pères ! »(1). Huet précise également qu’il existait un pont d’origine romaine au niveau du Port de Veneux triangle de terre ayant pour limite Ouest le coude du fleuve et à l’Est le Lutin, section cadastrale AC 01. Il enjambait la Seine là ou autrefois se trouvait l’île de la Goderne, que le passage du chemin de halage rattache désormais à la terre(2). D’après lui « La bataille aurait eu lieu sur les deux rives du fleuve en 596. De la daterait la destruction du Vieux-Moret, appelé par quelques auteurs Latofao. De là viendrait aussi le nom de ruelle Mortuaille(3) donné à un chemin dont il ne reste plus qu’une partie sur le territoire de Champagne lequel conduisait au pont dont il est parlé ». Il ajoute à titre de preuves que « Plusieurs personnes des environs possèdent des armes franques trouvées en ces lieux »(4).
Marcel Chesne  pense que cette histoire de pont romain, situé hors des voies romaines, relève du légendaire pur et simple et suppose que « De vieux moulins à eau et des chaussées existant au lieu-dit « détroit de Saint-Mamer » ( ?), les substructions de ceux-ci, visibles encore voici moins de deux cents ans, seraient sûrement à l’origine de cette légende trop vivace »(5).On en restera là.
                                                                                                                                                                                                 
(1) Alexandre-Désir Teste d'Ouet : l’Orpheline de Moret, Tome 1, Louis Rosier éditeur, Paris, 1835, p 26.
(2) Marcel Chesne : Jadis… la rivière de Seine, La Revue de Moret, 1er trimestre 1972, p 4.
Sur le plan d’intendance de Champagne-sur-Seine existait le Clos Mortuaille, qui devait se trouver au niveau de la section AO du cadastre actuel regroupant les lieux dits suivants : Les Chaillots, la Fosse aux Blancs, les Grands Plants, les Mortuailles, les Cuves-Tu,  les Maisons Rouges, et Entre les Rues
(3) A-F Huet Étude géologique, historique et statistique sur Thomery, Fontainebleau 1892, p 268.
(4) Marcel Chesne, précédemment cité, p 5.

Une Dame Blanche pas si blanche que ça après coup
                            La grande variété des récits de Dames Blanches n’en fait pas l’unité. Habituellement, les histoires de ce type s’élaborent autour d’une figure féminine (une Dame Blanche, tantôt fée, tantôt fantôme) et de plusieurs constantes liées à ses origines (châtelaine, femme persécutée, nonne…), son actuelle présence (damnation, vengeance …), et ses motivations (annonciatrice de danger, messagère de mort et de catastrophes, pourvoyeuse et gardienne de trésors, meurtrière anthropophage…), auxquelles viennent s’ajouter d’autres éléments spécifiquement régionaux.
            La Dame Blanche de Moret est un cas un peu à part. Premièrement, il n’y a pas de légende locale ancienne ni de tradition rapportant une histoire de ce genre. Il ne s’agit que de simples observations. Nous sommes justes en présence d’une entité culturelle identifiée comme telle, et qui semble avoir l’apparence et le comportement d’un revenant. Les seuls témoignages connus sont contemporains, ce qui paradoxalement pourrait expliquer pourquoi elle reste pratiquement inconnue du grand public. En revanche, elle semble toujours se montrer dans un périmètre bien défini, celui de la Place Royale et du quartier du Bon Saint-Jacques.
            Donc, d’après les aveux de plusieurs personnes, une Dame Blanche se montrerait donc quelquefois dans les rues de la ville et peut-être même en dehors.
            Henri Le Bras, ancien curé de Moret, l’aurait aperçu un matin de bonne heure alors qu’elle traversait la Place Royale pour descendre ensuite la rue de l’église. Elle était d’un blanc terne et ses vêtements semblaient vaporeux.
            Dans les jardins du Logis du Bon-Saint-Jacques, proche de la maison le Prieuré, attestée dès 1383, un homme d’entretien a observé une silhouette féminine près d’un arbuste, qui se déplaçait à environ 15 cm au-dessus du sol. Elle paraissait plutôt vieille, âgée peut-être d’entre 75 et 80 ans, et portait une robe gris clair. Son visage était comme déstructuré et son corps diaphane.
On l’aurait vu aussi près de la piscine de Moret et rôder au niveau de la Place Kulsheim, où se trouvait autrefois l’ancien cimetière.
            Mais le témoignage le plus surprenant est celui de Madame S. de Moret. Peu de temps après avoir emménagé dans une ancienne résidence, à proximité de la maison de retraite, elle s’est trouvée confrontée à des tas de phénomènes pour le moins étranges. Pendant un mois environ, et sans raison aucune, certains objets ordinaires se mettaient en marche de leur propre chef. Les robinets de la cuisine s’ouvraient brusquement, la chaîne HIFI et la télé s’allumaient sans aucune intervention humaine. La nouvelle locataire raconte qu’elle percevait souvent une présence, une manifestation intangible, comme si un spectateur invisible l’observait. Une remarque : elle se tenait souvent près d’un escalier où il y avait autrefois une porte. Madame S. ressentait également comme de petits picotements électriques, et parfois des courants d’air froid traversaient la pièce dans laquelle elle se trouvait. Pour elle, il n’y avait aucune intention négative ou hostile dans tout ça, mais plutôt une certaine bienveillance qui finalement la rassura. Même si rien n’est garanti, elle a toujours pensé avec pertinence que ces manifestations étaient celles de la Dame Blanche de Moret. Au vu de la proximité des apparitions enregistrées, il est fort probable qu’elle soit dans le vrai.       
LA DAME BLANCHE DU LOGIS DU BON SAINT-JACQUES (MORET-SUR-LOING)
            Partant de l’hypothèse que nous ayons affaire à la même entité, elle aurait alors été remarquée au moins à deux voire trois reprises à l’extérieur de la ville. Une personne dont on n’a pas voulu me dire le nom l’aurait distingué, une nuit, aux abords de la forêt de Fontainebleau, côté Moret. Je n’ai pas davantage de détails, que ce soit sur le lieu ou sur ce qui s’est passé à ce moment-là.
            Un peu avant le Carrefour de la Croix de Toulouse, sur la D 138, (pas très loin de la Butte Saint-Louis) une automobiliste aurait aperçu au milieu de la route, en octobre 2006, vers 5 h 15, une « Dame Blanche, vêtue à la mode médiévale, portant une longue tunique à larges manches, et des cheveux longs et blancs. Son visage était lisse, sans traits ». La voiture du témoin l’aurait traversée « comme on traverse un rideau de fumée ». Deux jours plus tard, au même endroit, la voiture de cette même personne fut percutée par un cerf. Elle s’en tira sans une égratignure, persuadée que la Dame Blanche lui était apparue pour la protéger.     
            Le dernier récit a quant à lui le privilège d’être au moins complet. Il est plus moderne aussi. A ce degré de la narration, il fait plus partie des légendes urbaines qu’autre chose. On pourrait facilement le ranger dans la catégorie des histoires d’auto-stoppeurs fantômes qui dans leur texture sont assez semblables.  
            Cette histoire s’est passée dans les années 80.
            « M. B., en poste de nuit à Nemours, avait alors l’habitude d’emprunter la D 104 pour se rendre à son boulot. Un soir, à la sortie de Moret, dans les parages du Gros Bois, il vit une femme immobile sur le bord gauche de la route. Elle portait une sorte de ciré blanc et un foulard de la même couleur sur la tête et ne semblait plus toute jeune. Comme il était légèrement en retard, il continua son chemin. Le lendemain, à peu près à la même heure, il l’aperçut de nouveau, toujours plantée au bord de la route. Le jour suivant aussi. Il commença à trouver ça bizarre et le quatrième soir, il décida de s’arrêter, histoire de comprendre de quoi il retournait. Il stoppa la voiture et demanda à la dame si elle avait besoin de quelque chose et lui dit que, si elle voulait, il pouvait la déposer quelque part entre ici et Nemours. La femme ne répondit pas. Elle traversa la départementale, s’approcha de la voiture et s’installa toute seule à l’arrière. Il chercha à savoir où elle désirait aller, mais d’un signe de la main elle lui indiqua simplement la route sans lâcher un mot. Il démarra et après avoir roulé à pleine vitesse pendant quelques minutes, il regarda dans son rétro et constata que la femme n’était plus là. Il freina, fit demi-tour, retourna jusqu’au Gros Bois, et vit qu’elle avait réintégré son emplacement habituel. Le temps qu’il descende du véhicule, elle avait de nouveau disparu »(1).          

(1) Tradition orale.

Humour façon Dame Verte
                        Vous pensiez en avoir finit avec les Dames. Eh bien non. Ce genre de créature est le cas typique de la créature multiforme, on devrait plutôt dire multicolore, parce que, ce n’est un secret pour personne, ces dernières ne sont pas toutes blanches. Il en existe des roses, des rouges, des noires, des grises, des bleues et des vertes. Ça y est, je crois avoir fait le tour. Les Dames Vertes sont parfois liées à l’élément aquatique, mais pas toujours. Elles peuvent vivre au fond des bois, dans les arbres et les fleurs et nichent parfois dans les rivières, les lacs et au fond des puits, mais aussi ailleurs. Tout dépend des endroits. Dans le canton de Moret, par exemple, la Mère Galu fréquente les étangs, les étendues d’eau stagnante et les puits. On ne sait pas grand’ chose à son propos. Les activités de cette Dame Verte restent mystérieuses et controversées. Certains disent qu’elle préservait les hommes des dangers aquatiques comme les fondrières et les vasières. D’autres, qu’elle attirait les imprudents au fond de l’eau pour les dévorer. Ce qui était bien pratique autrefois pour les enfants. Pas pour s’en débarrasser. Non. Pour les soustraire à la noyade justement. On les menaçait de les emmener voir la Mère Galu. Ça évitait qu’ils s’approchent des puits et des marais. Pas bête.
LA MERE GALU, TENTATIVE DE RECONSTITUTION (CANTON DE MORET-SUR-LOING)




La tirelire de César, période motte féodale et Co

               Sur les hauteurs de Moret-sur-Loing, il existait autrefois, près du calvaire, un lieu appelé la motte donjon. À cet emplacement(1), se dressait une motte féodale qui a été éventrée et fouillée en partie dans la seconde moitié du 19ème siècle par un particulier, pour en extraire un trésor que la tradition locale supposait avoir été enfoui là. On croyait alors que Jules César lui-même y avait caché le butin amassé lors de la campagne des Gaules, ou encore, qu’il s’agissait des richesses des Templiers de Saint-Nicaise. On a raconté aussi que des pièces d’or en sortaient quelquefois et que des statues en or y avaient été enterrées. Les fouilles n’ont pourtant donné que des petits bronzes romains, des fragments de poterie gallo-romaine et de la petite monnaie également en bronze remontant au 3ème siècle de notre ère. Tout ça, laisse supposer qu'il y avait peut-être à cet endroit un poste d'observation romain, mais aucune  fondation ne fut rencontrée car il s'agissait certainement d'un ouvrage en bois. Les vestiges de la motte, se confondant aujourd’hui avec la végétation, se situent dans l'ancienne carrière, sur le côté gauche lorsque l'on monte au calvaire par le sentier du même nom. Le calvaire est lui même une ancienne motte féodale. C’est en 1777 que fut érigé sur la butte le premier calvaire qui comprenait 3 croix. Ce calvaire fut remplacé plusieurs fois. La croix en bois que Claude-Clément Perrot a restaurée et remise en place le 14 octobre 1968 était une œuvre du second empire. Elle fut abattue et brûlée dans un barbecue en 1988. Depuis cette date il a remis en place 10 croix métalliques datant du 19è siècle. Toutes ont disparues(2).

EMPLACEMENTS DE LA MOTTE FÉODALE ET DU CALVAIRE, CADASTRE NAPOLÉONIEN (MORET-SUR-LOING)
LE CALVAIRE EN 2013, (MORET-SUR-LOING)




(1)Coordonnées Lambert I : X 0635.783/ Y 1075.490.


(2)Claude-Clément Perrot : mail du 19/06/12.




Parler de Gargantua en commençant par ses pieds
                            Allons à présent faire un tour du côté d’Ecuelles. On dira ce qu’on voudra du menhir d’Ecuelles, mais il semble bien désormais que son statut de premier témoin archéologique lui convienne à merveille. Pourtant, il fut une période où il n’était pas le seul. Le territoire est en effet très riche en sites anciens de toutes sortes. Ce n’est pas vraiment le propos, mais débordons un tantinet, ça ne peut faire de mal à personne. Pas moins de deux sépultures préhistoriques auraient découvertes et fouillées respectivement par Chouquet vers 1876, et Bergeron-Champonnaire en 1908. La première, un tumulus néolithique, se trouvait près de l’étang de Moret. Il renfermait des ossements humains calcinés, des fragments de crânes ainsi qu’un couteau en silex et une amulette en schiste. La seconde, les ruines d’une allée couverte, que les professionnels rattachent à l’ensemble Seine-Oise-Marne, subsistaient au lieu-dit Saint-Lazare. Une dizaine de squelettes jetés en vrac et divers outils de silex furent exhumés. Le site du Rocher d’Ecuelles était lui, pourvu d’importants vestiges néolithiques, tout comme la station de Ravanne, où se superposaient et se mélangeaient poteries du Bronze, du Fer, romanes et mérovingiennes.
                      La Pierre Droite est le nom le plus courant du menhir. On l’appelle parfois Pierre Levée, mais pas souvent. Avec un « t » en plus, elle apparaît comme telle sur le Plan de la seigneurie d’Ecuelles et de Ravannes de 1785. Ce bloc mesure 3,50 m de hauteur. D’après Paul Bouex, ce menhir aurait été au centre d’un alignement comprenant l’ossuaire néolithique de Saint-Lazare et le dolmen défunt de la Pierre Lourde à Episy. Situé à l’origine au bord du canal du Loing, il fut déplacé à son endroit actuel en juin 1944 (en 42 pour d’autres) au moment où les travaux d’agrandissement du silo ont débuté. Vers 1860, un type plutôt gonflé entreprit de creuser à la base du menhir. Il trouva sous une couche de grosses pierres un squelette humain recouvert de cendres. Il était allongé sur le dos, la tête tournée vers l’Est. Près du crâne reposait ce qui semblait être une hache polie de couleur noire. Dommage que le corps n’ait pu être conservé. Difficile après ça de se faire une idée sur le type de sépulture en présence. Le fait est que rien n’indique qu’il s’agisse d’une réalisation préhistorique. Les haches polies ont toujours fait l’objet de croyances populaires. Reste bien la couche de cendres et la tête tournée vers l’Est. Mais là encore, rien n’est joué.
MENHIR DE LA PIERRE DROITE (ECUELLES)
                  Les traditions rapportent que les paysans venaient aiguiser leurs faux au sommet du mégalithe, ce qui au fil du temps aurait créé ces longues rainures visibles sur la face nord-ouest. L’abbé Pougeois, toujours lui, était persuadé que le menhir était un monument commémoratif de la légendaire bataille de Dormelles, dont je vous ai parlé dans le chapitre précédent, ou de celle de Lato Fao. Certains ont même poussé le bouchon un peu plus loin en y voyant un repère marquant les différentes stations de cette même bataille. Dans un registre différent, Albert Bray lui a attribué à tort la légende des couteaux du menhir de Diant. Ce n’est pas fini. En juillet 1879, le marquis de Roy, en pleine ferveur celtisante, s’imaginait que ces roches monumentales auraient été consacrées aux cultes druidiques. On ne lui en voudra pas trop. Ce genre d’interprétation était monnaie courante à l’époque. Ce qui est plus grave c’est qu’aujourd’hui encore, sur le site Internet de la mairie d’Ecuelles, on en est toujours à alimenter cette confusion.
                        Une autre légende met en scène une figure célèbre du patrimoine mythologique, le géant Gargantua. Je crois que c’est le moment de faire le point sur ce personnage. On sait aujourd’hui que Gargantua n’est pas une invention de Rabelais. Il l’aurait emprunté à la culture populaire orale et remanié à sa sauce. Bien avant ses ouvrages, des livrets de colportage relataient déjà les aventures du célèbre géant. En 1532 est publiée une œuvre anonyme, les Grandes et inestimables croniques du grant et enorme geant Gargantua. Elle reprend un ancien fonds qui transparaît dans d’innombrables traditions populaires. Il y a un peu moins de vingt ans, Guy-Edouard Pillard, rassemblant tous ces écrits ainsi que les travaux de l'Académie celtique, de Gaidoz, Bourquelot, Sébillot et Dontenville, s’est sérieusement penché sur la question. Il en a déduit que derrière le géant truculent et glouton se cachait peut-être une très ancienne divinité apparemment bienveillante et certainement pré-celtique.
LA PIERRE DROITE (RAINURES DU SOMMET)
                       Gargantua est un être hors du temps. Il peut être considéré comme la personnalisation d’une énergie gigantesque mais bienfaisante qui ordonne le chaos primordial, renouvelle le monde et le rétablit quand les besoins se font sentir. Il est finalement très proche des grands héros civilisateurs des cultures premières et par exemple a beaucoup de points communs avec les « entités du rêve » de la civilisation des aborigènes d’Australie, même s’il n’a pas de rapports directs avec eux, à part peut-être dans l’inconscient collectif. Comme elles, il survient quand le monde est déjà en place. Il est là pour parfaire la création et en même temps pour lutter contre les forces maléfiques figurées par d’autres géants hostiles, ou des monstres de toutes sortes. Il modifie les paysages et les aménage, rend les terres fertiles, défriche, créé des collines et des buttes, des montagnes et des rivières, pourvoit au bien-être des hommes et apporte toutes les conditions propices à leur développement. Durant ses pérégrinations, il laisse ici ou là des traces de pas ou de doigts, oublie ses pierres à affiler, ses éléments de jeu, différents objets domestiques et même des morceaux de son corps. Beaucoup de mégalithes font parti du mobilier de Gargantua et sont appelés chaise, fauteuil, gamelle, lit, écuelle. Ces derniers donnent parfois lieu à des cultes de fécondité ou à des pratiques de magie populaire. Il n’y a pas une région en France qui ne porte l’empreinte de son passage et bien que sa fonction et sa véritable image soient aujourd’hui fragmentées au travers le légendaire et la géographie, il reste l’une des pièces essentielles d’une mythologie perdue.
Retour à Ecuelles. Parmi les activités pratiquées par Gargantua, il y en a une qui revient régulièrement : le jeu. Dans le Gâtinais, il apprécie particulièrement le lancement de palets. Il faut avouer que certains monuments s’y prêtent ou s’y prêtaient tout à fait. Une légende, à cheval sur le territoire d’Episy et d’Ecuelles, rapporte ceci :
« Gargantua passant dans le pays s’amusait à jouer aux quilles avec la Pierre Droite (menhir sis à Ecuelles, dans la vallée de l’Orvanne à 4 kilomètres de là), et laissa tomber un de ses palets »(1).
On raconte également que « Gargantua, en balade dans le coin, décida de s’amuser un peu. Il avisa la Pierre Droite et se dit qu’il pourrait s’en servir pour jouer aux quilles. Il ramassa deux trois cailloux, recula sans doute vers les hauteurs du faubourg d’Ecuelles et essaya de l’abattre. A chaque fois, il manqua son coup. Peut-être que les grès que l’on trouve dans les environs témoignent de cette maladresse ? On n’en sait rien. Ce qui est sûr, c’est que l’un de ses projectiles parcourut un bon bout de chemin avant de finir sa route. Il traversa le village, franchit le Rocher d’Ecuelles et les anciens lieux-dits le Paradis et l’Enfer, et la Pierre Gêvre (Gêvres, Gevre ou d’Eve), passa pas loin de la Roche Galeuse, avant de sillonner le climat des Roches à Biard ou Picard, pour enfin se planter à Episy et devenir la Pierre Louve, un dolmen aujourd’hui détruit »(2).
Partant du postulat que le lanceur de palet doit inévitablement se trouver sur la même ligne reliant la quille et la pierre tombée, un second point de lancer situé à l’opposé est aussi envisageable. Gargantua devait donc se trouver du côté du menhir de la Pierre aux Cailles de Nonville, mais cette fois-ci sur la trajectoire de son projectile on ne relève rien de bien intéressant.       
            Ce n’est pas tout. « Traversant une étendue marécageuse à proximité de Moret, Gargantua s’embourba, et les semelles de ses souliers laissèrent de profondes traces dans le sol. Ces dernières sont encore visibles aujourd’hui, c’est l’étang de Moret »(3). C’est vrai que vu du ciel ce réservoir ressemble à une grossière empreinte de pied. En revanche il n’est pas certain que ce récit date d’une époque vraiment reculée. Cet étang est artificiel, et il a été produit par un barrage établi sur l’Orvanne à une date que j’ignore (il est déjà présent sur une carte de 1697). En toute logique, on peut supposer que la légende n’est pas antérieure à sa construction. Il en sera de même pour les suivantes, car j’ai bien l’impression que dans cette partie de la Seine-et-Marne les légendes concernant Gargantua ont été élaborée à une époque pas si éloignée que ça. D’ailleurs je n’arrive toujours pas à comprendre pourquoi il n’existe pas de toponymes anciens mentionnant le géant. L’oralité d’accord, mais à un moment ou un autre s’il y a légende ce n’est qu’une question de temps pour qu’un toponyme voit le jour. Il y a des tas d’exemples où légendes et noms de lieux sont liés, mais jamais avec Gargantua. Bizarre.

(1) Armand Viré : La vallée du Lunain aux âges préhistoriques, Le Mans, 1926,  p 25, 26.
(2) Tradition orale. 
(3) Autrefois à la veillée, la Revue de Moret, n°1, 1947, p 23.


D’abord saint Nicaise, ensuite la Pierre à la Coqueluche et s’il reste de la place une pierre Saint-Martin et une roche Pince Ribau
Il a été le onzième évêque de Reims, il a été massacré par les Huns ou les Vandales qui lui ont tranché le cou et avait un faible pour les choses bien faites puisqu’il a lui-même porté sa tête coupée jusqu’à son tombeau. Lui, c’est saint Nicaise et vous en avez peut-être déjà entendu parler au détour d’un bouquin : en version écuelloise, il passe, aux yeux des pros de la mythologie, pour un saint sauroctone. En clair, pour un tueur de lézards, de sauriens, autrement dit un exterminateur de dragons. Toujours prêt à rendre service, il aurait trucidé au confluent de la Seine et du Loing un monstrueux reptile aquatique, qui terrorisait les gens, les mangeait, les enlevait… vous connaissez l’histoire. André Regard, lui, raconte qu’il s’agissait simplement de pillards qui avaient affublé leur barque d’un « costume » de dragon afin d’épouvanter les mariniers pour mieux les vaincre et les détrousser(1). Chacun sa version, toujours est-il qu’après son exploit il aurait grimpé vers l’actuel Bois-Prieur, se serait trouvé une chouette grotte où il aurait vécu en ermite, avant que les Huns (ou les Vandales) ne décident de lui régler son compte. Mais ça, vous étiez déjà au courant.
ENTREE ACTUELLE DE LA CAVE SAINT-NICAISE (ECUELLES)
Les traditions rapportent que sur l’emplacement de la grotte fut aménagée la cave d’un habitat indéterminé. Quant à ce qui se trouvait au-dessus, on ignore à peu près tout de ce à quoi ça ressemblait. Un paquet d’hypothèses a été avancé. Il s’agissait soit, dans l’ordre décroissant de probabilité :
- d’une petite exploitation agricole du XIVe siècle, qui appartenait aux Bénédictins du prieuré de Pont-Loup,
- du hameau ou du château de Montchavant, disparus, mais dont un lieu-dit porte encore le nom, 
- d’un monastère qui abritait une maladrerie dépendant de Saint-Lazare,
- d’établissements templiers,
- d’une chapelle, faisant office d’église d’une ville fortifiée appelée Nichery.
S’il y a un truc à retenir dans tout ça, c’est que rien n’indique que ce saint n’ait jamais mis le moindre pied dans la région. Aujourd’hui, on ne sait toujours pas pourquoi les lieux portent le nom de Saint-Nicaise. Reste la cave. Quand l’EDF implanta son centre de recherches et d’essais, les bulldozers déglinguèrent le site, les ruines du château de Montchavant y compris, en même temps qu’ils mirent à jour des chapiteaux du XIIe et des fûts de colonnes. Ce mobilier, sauvé in extremis par Claude-Clément Perrot et ceux du Groupement Archéologique de Saint-Mammès, est au château-Musée de Nemours.             
La Cave Saint Nicaise, les habitants disaient « les Caves Saint Nicaise », se trouve actuellement à l’extrémité Ouest des Renardières entre deux petits bâtiments, sur une petite éminence boisée. Ses coordonnées Lambert 1 sont : X : 0637.069 et y : 1075.315. Elle est toujours visible. Elle fait 7,40 m de long sur 3,85 m de large et 2,15 m de haut. Elle est voûtée en berceaux plein-cintre, ses maçonneries de moellons sont percées de 5 niches, 2 à gauche, 2 sur le mur opposé à l’accès et une sur le côté droit. Un mur de brique a été construit récemment à gauche des marches qui y descendent, renforcées elles aussi. A l’intérieur, certaines portions de mur ont été consolidées et restaurées. Une bonne couche de sable couvre le sol. Actuellement intégrée au site, elle est inaccessible. Les responsables du centre ne veulent rien entendre. En réalité, ils s’en tapent complètement, comme l’ont prouvé naguère leurs méthodes d’aménagement du patrimoine local.    

« On racontait autrefois que la cave recelait un trésor gardé par le Diable et qu’on y pratiquait le sabbat. Les gens craignaient d’aller à cet endroit. Il était plus ou moins maudit. D’étranges silhouettes nocturnes hantaient les lieux »(2).
INTERIEUR ACTUEL DE LA CAVE SAINT-NICAISE (ECUELLES)
Pour anecdote, dans les années 1964, un enfant disparut et tout le monde crut qu’il avait péri dans la Cave Saint Nicaise. Finalement, le gamin avait fugué et on le retrouva quelques jours plus tard à Montgeron. On prétend aussi qu’il y avait un puits et qu’il était dangereux d’y aller.
INTERIEUR ACTUEL DE LA CAVE SAINT-NICAISE (ECUELLES)

                  Question légendes et traditions, Alexandre-Désir Teste d'Ouet connait plutôt bien son sujet : « Depuis le massacre des chevaliers du Temple, les décombres de Saint-Nicaise étaient et sont encore pour les habitants de Moret un affreux épouvantail. Nul n’en approche qu’avec terreur. La plupart ne savent pas pourquoi, tant les races se sont croisées et renouvelées depuis cette terrible époque. Mais ce qu’il y a d’avéré, c’est que beaucoup y croient à la présence du diable qui y préside quotidiennement une assemblée de sorciers. Chacun à une histoire particulière à en raconter : celui-ci y a vu des revenants, celui-là des démons, vu autre un cheval blanc sans tête, un autre encore un mouton, qui disparait lorsqu’on veut s’en emparer ; et mille autres sottises semblables. Satan, aux ordre de qui ose l’appeler, un cierge béni dans une main et dans l’autre une lame de couteau qui doit être jetée dans le souterrain, arrive à la voix de celui-ci, qu’il y fait descendre poliment et lui donne tout l’or qu’il lui demande, qu’un coffre immense, gardé par trois énormes crapauds, reproduit à mesure qu’il en est retiré. Mais le Malin prescrit certaines conditions qu’il faut accepter ; sinon une armée infernale, toujours à ses ordres et rangée en bataille, au moindre signal de son doigt crochu, tombe à grands coups de bâton sur le récalcitrant , ce qui fait que son antichambre n’est point aussi bien tapissée de solliciteurs qu’on pourrait d’abord se l’imaginer »(3).    
L’endroit était aussi connu pour une pierre à laquelle la médecine superstitieuse attribuait des vertus bienfaitrices. On la disait championne pour tout ce qui concernait la guérison de la coqueluche. Là encore, les avis sont partagés à propos de la nature exacte de ce bloc. 
LA PIERRE A LA COQUELUCHE (ECUELLES)
Pour plusieurs personnes, la Pierre à la Coqueluche était la base d’une croix, un grès arrondi à force de prélèvements, mais ne portant aucune trace ni d’encoches pour recevoir un élément de ce type. Certains croyaient qu’il s’agissait d’un bloc semblable à celui de la Grotte aux Cristaux de Fontainebleau, d’autres d’une borne de finage ou d’un simple grès en place. Lecotté, l’appelant Pierre Saint Nicaise, rapporte qu’elle était conservée à la chapelle de ce nom. Quelle chapelle ? Telle qu’on la connaît aujourd’hui, elle fait environ la taille d’un petit ballon. Comme la cave, ce grès est toujours parmi nous, je devrais plutôt rectifier, chez quelqu’un. Cette personne, un certain M. B., a eu par le passé l’heureuse initiative de sauver la pierre des destructeurs de l’EDF et de la conserver depuis dans son jardin. C’est avec l'aimable collaboration de sa petite-fille que j'ai pu la voir et en obtenir plusieurs photos. Une coutume y était observée. Elle était simple, comme dans beaucoup de cas de médecine populaire : « les gens en prenaient des morceaux et suspendaient ces fragments dans de petits sacs au cou des enfants pour les prémunir de la coqueluche. On pouvait aussi les faire asseoir simplement dessus, fesses nues, et on récitait alors une prière en l’honneur du saint »(4). Albert Bray et Adolphe Hodée, plutôt vagues, rapportent tour à tour que « des cailloux au pouvoir guérisseur, pris à un certain endroit où s’élevait une croix, étaient suspendus au cou des enfants pour les préserver de la coqueluche ou que les coquelucheux se rendaient à Saint Nicaise et devaient pour être guéris toucher une pierre de la masse » (?)(5). Claude-Clément Perrot m’a affirmé qu’elle guérissait également les maux d’yeux. 

(1) Voir index.
(2) Abbé Pougeois : l’Antique et royale cité de Moret-sur-Loing, à Moret, 1889, p 85 et tradition orale.
(3) Alexandre-Désir Teste d'Ouet : l’Orpheline de Moret, Tome 1, Louis Rosier éditeur, Paris, 1835, p 299-300.
(4) Albert Bray : Inventaire archéologique du canton de Moret, revue des Amis de Moret, 1956, p 209 et tradition orale.
(5) Albert Bray et Adolphe Hodée : Notre-Dame de la Quinte, Bulletin folklorique d’Ile-de-France, 1953-1956, Tome 3, p 413.

                 Un dernier point avant de quitter le village. Le beau plan de la Seigneurie d’Ecuelles et de Ravanne de 1785, peint à l’aquarelle pour faire joli, mentionne deux lieux-dits évocateurs : La Roche Pince Ribau et la Roche Saint-Martin. J’ignore ce qui se cachait autrefois derrière ces topolithonymes. Tout ce que je peux dire c’est qu’ils n’existent déjà plus sur le cadastre napoléonien de 1807. Le premier se situait du côté de la Sapinière. Il a été remplacé par Saint-Lazare et plus à l’est par Les Ribaux. Le second correspondait à la langue de terre cultivée s’étendant du nord de la Fontaine du Dy au Bois Thion. Il a été échangé contre le Charmoy. Dans les traditions populaires, les roches de Saint-Martin sont réputées porter des traces de son passage. Bien souvent, on peut y observer les empreintes de ses genoux, de ses pieds, de ses doigts et même celles des sabots sa monture, en l’occurrence un âne ou une mule. Bref, il est possible qu’une roche de ce genre ait existé quelque part à cet endroit avant d’être détruite ou enterrée. Paradoxalement, je reconnais que la Roche Pince Ribau me pose problème. Je reconnais n’avoir aucune idée valable à vous proposer. Ribaud avec un « d » est synonyme de débauché. Faire le ribaud signifie « être en chaleur », s’accoupler, proprement « se frotter ». Est-ce un clin d’œil à un éventuel rite de fécondité ? Prudence. La pratique de la friction exécutée auprès des blocs naturels ou aménagés était autrefois assez courante dans plusieurs régions de France. Les officiants venaient se frotter le ventre et même les organes génitaux sur un point précis de la roche sensée apporter force et vitalité. Mais pourquoi Pince ? On en restera là.


Index, la Légende de Saint-Nicaise, par André Regard


André Regard : La légende de Saint-Nicaise, Revue de Moret, n°106, 1987, p 91-96.
                    « C’était il y a longtemps, bien longtemps. La Seine n’était pas alors domestiquée comme elle l’est maintenant. Elle coulait paisiblement entre Brie et Gâtinais et se permettait quelques fantaisies en installant au milieu de son lit des îlots qu’elle déplaçait au gré de ses grandes eux d’hiver ou de printemps. C’est sur les bords de notre beau fleuve que Nicaise était venu s’installer lorsque, vers la fin du IVème siècle, il entreprit l’évangélisation des habitants de la région. Il avait choisi comme lieu de séjour, la cité de Montchavant, petite place forte juchée sur les hauteurs dominant le confluent de la Seine et du Loing. Les rivières constituaient alors l’essentiel des voies de circulations et les rives de la Seine étaient relativement sûres et les bateliers naviguaient sans trop de craintes sur les eaux calmes du fleuve. Aidé par ses disciples Saint-Nicaise avait construit une petite église au sommet de la colline surplombant le confluent et les saisons passaient sans trop d’aléas pour les fidèles qu’il avait rassemblés. Un jour, pourtant, toute la population fut mise en émoi et la frayeur envahit rapidement les habitants du rivage, les atteignant presque tous, jusqu’aux plus courageux. C’était l’automne. Les brouillards épais avaient envahi la vallée. Dès l’aube les premières embarcations avaient quitté le petit port installé en contrebas de la cité de Montchavant. Quelques-unes étaient parties vers l’amont, remontant péniblement le rapide courant des eaux grises du fleuve. On entendit encore quelque temps l’ahanement des mariniers, puis tout s’estompa et bientôt le calme revint. C’est vers le milieu de la matinée que les riverains aperçurent les épaves entrainées par le courant. De nombreux débris ainsi que plusieurs corps dérivaient au large de la rive. Bien sûr, ce jour-là, personne ne prit garde à ce coup du sort atteignant un équipage et l’on pensa à un banal accident. Les victimes du lendemain commencèrent à semer l’inquiétude parmi les gens du rivage, mais là encore personne ne put expliquer pourquoi de tels naufrages avaient eu lieu. Et puis quelques jours passèrent sans que rien de nouveau ne vienne troubler le quotidien. Revint le ciel bas, revinrent les brumes et réapparurent les cadavres des malheureux mariniers. C’est à partir de ce jour que l’effroi s’installa, peur en grande partie engendrée par le récit d’un homme réchappé du naufrage. Il avait rapporté :


                        « Nous remontions le courant, lorsque soudain, nous entendîmes une sorte de mugissement sortant des flots et une énorme bête nous aborda par l’arrière. Elle avait une tête monstrueuse, ses yeux crachaient des flammes et, dès le premier instant, elle commença à bousculer notre esquif. Saisi de terreur, je plongeai dans l’eau et réussi à gagner la rive. Je vous le dis, c’est un monstre abominable ! ». Il fut jugé sage d’aller trouver le sire de Montchavant et de lui demander de détruire la fameuse bête. Celui-ci refusa, alors Nicaise se retira à l’écart et réfléchit longuement, après quoi il fit part à tous de ses intentions :


                           « Puisque le danger vous menace et que personne ne veut vous venir en aide, c’est moi qui vous délivrerai du monstre hantant le fleuve. Soyez donc sans inquiétude, bientôt vous pourrez reprendre vos activités sans que rien ne vienne y jeter le désarroi ».


                           Le lendemain, Nicaise se rendit au port et à bord d’une petite barque, partit vers un destin bien incertain. Nul ne se faisait d’illusions. Dès lors, on se mit à surveiller la surface du fleuve et plusieurs s’embarquèrent et ancrèrent leur esquif au milieu de la Seine pour guetter le passage d’éventuelles épaves, mais rien ne fut aperçu. Les jours passèrent. Nicaise n’était toujours pas réapparu et le croyait disparu à jamais. Plusieurs semaines s‘écoulèrent, et par un bel après-midi, une petite barque se profila sur l’eau avec à son bord, Nicaise, bien vivant. « Paix à vous tous, cria-t-il à la foule, oui je suis de retour et, de nouveau, vous pouvez en toute tranquillité naviguer sur le fleuve. Plus rien désormais ne viendra vous menacer. Il n’y a plus de monstre. Le diable est vaincu, car c’est le démon qui vous frappait, et je l’ai chassé pour toujours de cette contrée ».


                            Ce que ne dit pas Saint-Nicaise, c’est ce qui c’était réellement passé au matin de sa disparition. Parti sur sa barque et arrivé près de Tavers, il entendit soudain un grand mugissement. A ce moment, il cessa d’avancer, se retourna, abandonnant sa barque au courant. Il vit alors sortir du brouillard une énorme tête de monstre aux narines crachant le feu, mais bien vite il réalisa que cette apparition ne constituait qu’un stratagème destiné à épouvanter les mariniers afin de les vaincre plus facilement. La bête masquait une barque manœuvrée par des pillards. Écartant les bras, il se mit à crier qu’il était seul à bord, ne transportait rien et qu’il venait simplement se joindre à eux. Il se retrouva en compagnie d’une poignée de brigands, installés au pied de la falaise de Brie. Dès lors, il entreprit leur conversion et réussit à les persuader de cesser leurs néfastes méfaits. Il fut sans doute très persuasif puisque ceux-ci décidèrent de cesser leurs criminelles activités. Le saint homme put alors prendre la barque du retour, promettant à ses nouvelles ouailles de revenir souvent les voir. »




Un saint Loup moins un saint Fortuné, ça fait combien ?
                  Le Diable qui est présent à Saint Nicaise l’est aussi à Vernou-sur-Seine. Commençons le passage en revue de cette paroisse par quelques précisions d’ordre historique. Je déborde un peu sur La Celle, ce n’est pas grave. Deux saints importants ont eu leur heure de gloire dans le pays : saint Fortuné et saint Loup. Le premier, dont l’église conserve les reliques, est à l’origine de l’apparition d’une fontaine miraculeuse. Du moins c’est ce qu’on raconte, car « le rapprochement entre la statue de la Thurelle et Saint-Fortuné demeure hypothétique. Il pourrait plutôt s’agir d’un personnage local, religieux, mort en odeur de sainteté, honoré sur un petit sanctuaire qui aurait été élevé sur sa sépulture »(1).   
En outre, les nombreuses recherches effectuées depuis des siècles n'ont pu établir la véritable identité de Saint-Fortuné : s'agissait-il de l'évêque de Poitiers ou de celui de Verceil, en Italie du Nord qui vint en France, rencontra Saint-Germain de Paris et s’arrêta à la Grande-Paroisse où il mourut vers 569 ? Le mystère reste entier... La tradition rapporte qu'il avait le don de faire des miracles : on lui attribuait le pouvoir de guérir les  maladies dont souffraient les pauvres gens, notamment les fièvres. Voyons la légende :
« Un jour, saint Fortuné en visite dans les villages environnants vit venir à lui une foule de gens, parmi lesquels un vieillard miné par la fièvre. Le pauvre homme famélique pouvait à peine se tenir debout. Connaissant les combines de Fortuné, il se jeta à ses pieds et implora sa guérison. Celui-ci lui fit le coup classique de l’imposition des mains, puis il lui ordonna de se lever et d’aller se laver les mains à la fontaine. ‘Comment pourrais-je le faire ?’ gémit le pauvre malade, toujours aplati comme une crêpe aux pieds du saint. ‘La fontaine est loin d’ici, dans la vallée et je suis tellement claqué que ça va me prendre des années pour y arriver’.  ‘T’emballe pas !’ reprit le saint sans se démonter. ‘Tourne-toi plutôt et regarde !’  Une fontaine que le vieux n’avait jamais vue, débordant d’une eau limpide, sourdait à quelque distance de là et se répandait dans la plaine. Émerveillé, il se rendit à cette source, s’y lava les mains et la figure. Aussitôt, son mal se dissipa et il fut totalement guéri ! »(2).
LA FONTAINE SAINT-FORTUNE (VERNOU-LA CELLE-SUR-SEINE)
Plus tard, une chapelle fut érigée à proximité de la source, devenue fontaine Saint-Fortuné ou de la Thurelle. Et encore plus tard un lavoir. La tradition soutient qu’on trouva une petite statue du saint dans la fontaine, le « P’tit » « statue qui semble dater de l’époque médiévale et constituait originellement la partie sommitale d’un bâton brandi à l’occasion des processions »(3). Il y a un bout de temps, après les Vêpres, vers le 18 Juin, on l’habillait puis on la trimballait en pèlerinage depuis Vernou jusqu’à la source dont la niche était fleurie. Les gens appréciaient beaucoup ça, particulièrement les anciens qui la vénéraient plus que tout. Elle était placée dans une niche de la chapelle en compagnie d’une plus grande datant de la Renaissance. On les appelait parfois le Saint et son P’tit. A l’heure actuelle, elles ont regagné l’église de Vernou et ont été remplacées par une statue qui m’a tout l’air d’être en terre cuite. On doit cette restauration au Centre de Recherche et de Documentation Médiévales et Archéologiques de Saint-Mammès et plus particulièrement à Katy Peureau, Claude-Clément Perrot et Monsieur Bonnard de Moret.  
Avec saint Loup c’est un peu différent. En quittant Vernou, à moins de 50 m de l’embranchement avec la route du Montoir à la Thurelle, se dressaient autrefois une chapelle dédiée à ce saint et une maladrerie-hôpital pareillement consacrée. On peut encore distinguer les silhouettes des édifices sur le plan d’intendance de la commune de Vernou de 1785. On ignore à quelle date et dans quelles circonstances les bâtiments furent désertés, mais à l’époque où circulait le récit qui va suivre il n’en restait plus grand’ chose. La maison hospitalière ne se réduisait plus qu’à quelques panneaux de murailles défoncés. Quant au sanctuaire, seuls deux ou trois colonnes et une partie de l’autel étaient encore debout. Les murs d’enceinte s’étaient volatilisés. Ce n’était qu’accumulation de moellons et de débris dévorés par la végétation. Lorsqu’on évoquait les lieux, on disait : « les Ruines ». Ce n’était pas de trop.

(1) katy Peureau : Le Saint-Fortuné de la Thurelle, Revue de Moret, n°182, 2006, p119.(2) Librement inspiré de : Hélène Fatoux : Histoire d’eau en Seine-&-Marne, Tome 2 Amattéis, 1988, p 55.
(3) Katy Peureau : Le Saint-Fortuné de la Thurelle, Revue de Moret, n°182, 2006, p 118.
LE P'TIT SAINT-FORTUNE (ÉGLISE DE VERNOU)
GRANDE STATUE DE SAINT-FORTUNE (ÉGLISE DE VERNOU)
                          A ce qu’on raconte ces ruines étaient hantées. Des feux follets et des ardents, c’est la même chose, virevoltaient dans les ténèbres. Des langues de feu s’échappaient des décombres. On entendait des bruits infernaux de chaînes et de ferraille et on pensait que le Diable y séjournait. Il n’en fallait pas plus pour que les gens du coin fuient cet endroit comme la peste. Il existait pourtant un moyen d’échapper à ces horreurs. Il suffisait d’enfoncer un clou dans les marches de l’autel en se signant en l’honneur de Monseigneur saint Fortuné pour dompter Satan et briser ces maléfices. Mais même en procédant de cette manière, on était pas sûr d’en revenir. Un soir, dans les années 1800, un type du genre sceptique voulu vérifier si toutes ces histoires tenaient de la blague ou de la réalité. Moi je dis : il y en a toujours pour se croire plus malins que les autres.
Le type avait déclaré : « Le malin dans les ruines ! Je voudrais bien le voir, et la preuve de ce que j’avance c’est que de ce pas je vais aller à la chapelle Saint-Loup, et je dompterai le malin en enfonçant un clou dans une des marches en ruine de l’autel ». « S’étant muni d’un gros clou, d’un marteau et d’un falot, le gaillard jeta sa houppelande sur ses épaules et sortit malgré les protestations des paysans qui criaient : ‘C’est un insensé, il sera mort avant de planter ce clou’. Le vent soufflait avec rage et il faisait un froid glacial. Les minutes succédèrent aux minutes, et au bout d’une heure, le gaillard n’était pas encore de retour. ‘Il lui sera arrivé malheur’, disent les plus robustes des paysans, ‘allons-y voir’.  En moins d’un instant, les falots sont prêts. Cinq ou six des plus déterminés, armés de gros bâtons, s’élancent dans la direction des ruines. Ils appellent en y arrivant : l’écho seul répond. Ils entrent résolument et découvrent le malheureux tombé près de l’autel. Il était mort. Ses amis s’approchèrent pour le relever ; il était retenu par son manteau. Qu’était-il donc arrivé ? Dans sa précipitation à poser son clou et en le fixant à grands coups de marteau, il n’avait pas vu, à cause de l’obscurité, qu’un coin de son manteau s’était engagé sous le clou. Quand il voulut se relever, se sentant retenu, il crut que c’était le Diable, le Malin, qui s’emparait de lui et il en était mort de peur »(1).

Gargantua a également traîné ses basques du côté de Vernou. « Bien décidé à se rafraîchir, il se serait assis près du Ru Flavien pour prendre un bain de pieds dans la Seine. C’est le poids de son cul qui aurait formée la légère dépression qui s’étend entre le Mont de Vernou et celui de Rubrette »(2).
Au bas mot, la distance approximative entre ces deux éminences est de 3,5 km. Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais il avait quand même une sacrée paire de fesses !

(1) Franck Matagrin : Vernou et ses environs, Res Universis 1991, p 27 à 29.
(2) Autrefois à la veillée, la Revue de Moret, n°1, 1947, p 23.


Il n’est point de trésor : seuls demeurent les prospecteurs clandestins aspirés par le néant de leurs découvertes
               Restons encore un moment sur la commune de Vernou-la-Celle où nous attend un autre site estampillé 100% trésor caché. Il s’agit des ruines du Château du Vieux Graville, encore appelé Le Vieux Château. Ce dernier n’a rien à voir avec le manoir du domaine de Graville, bien connu de tous, situé au nord ouest de La Thurelle, et aujourd’hui encore en parfait état. Celui qui nous intéresse se trouve dans les Bois de Valence, à moins de deux cent mètres de la départementale 210, au lieu-dit : Bois du Vieux Graville, coordonnées Lambert I : X 0637.110  Y 1080.149, parcelle 94/95. De ce château, il ne reste à l’heure actuelle, que les douves, dessinant un carré de 100 m de côté environ. Il y a moins de dix ans, il y avait pas moins d’1m50 d’eau dans ces fossés, mais la pluie se faisant de plus en plus rare, ils sont aujourd’hui complètement à sec.  Le terre-plein central, où subsiste une mare, est parsemé de blocs de pierres et de morceaux de tuiles. Les arbres ont poussé un peu partout, englobant de nouveau le site à la forêt environnante. A l’endroit où devait se situer le pont-levis, une partie des douves a été comblée pour former une voie d’accès vers l’intérieur de la plateforme. Quatre petites bornes de grès sont plantées aux angles extérieurs des douves. Deux sont encore debout, et les autres, couchées.
               
ENTREE ET RESTES DE FOSSÉS, CHÂTEAU DU VIEUX GRAVILLE (VERNOU-LA-CELLE-SUR-SEINE)
          L’histoire et l’aspect de ce château sont encore mal connus à ce jour. La majorité des auteurs s’entendent pour dire qu’il fut bâtit par les Malet de Graville au cours du 15ème siècle(1). « Ayant reçu en héritage la terre baronniale de Tournenfuye(2), ils firent construire un nouveau château à une demi-lieue de Héricy, au milieu d’un parc boisé, de 100 arpents. Plus tard, ce château reçut le nom de Graville, en souvenir du château patronymique de Normandie, qui était devenu inhabitable ». Jean-Michel Regnault précise : « Mais ils délaissèrent rapidement ce nouveau château, peut-être laissé inachevé, et ils revinrent s’installer de façon définitive à Tournenfuye qui prit dès lors le nom de Graville qu’il a conservé jusqu’à ce jour : l’éphémère premier château de ce nom laissé à l’abandon, en ruine, devait disparaitre au point qu’il n’en reste aucune trace »(3).
Maurice Pignard-Péguet, prétend lui «  Que ce Château a été bâti par Henri IV pour ses favorites, Gabrielle et Henriette, logeant l’une à Graville, tandis que l’autre était à Tournenfuye. Cette forteresse était dans le bois. Dans l’enceinte, il existe encore la mare d’autrefois ; les fossés et les quatre tours d’angle à l’extérieur. On voit les vestiges du pont-levis » (4).  
                   Soixante-dix ans plus tôt, c'est-à-dire vers 1841, Michelin écrivait : «  Ce château est à présent en très-grande partie ruiné, et situé à une lieue d'Héricy, dans une pièce de bois de plus de 100 arpents, qui en formait l'accin(5) et le parc. C'est là que les vassaux étaient tenus de rendre leurs foi et hommages au pied d'une grosse tour, détruite depuis deux siècles. Cet ancien château était environné de fossés larges et profonds. On y voyait autrefois les armes de la maison de Mallet Graville, qui étaient de gueules, a trois fermeaux d'or. Graville a été la résidence de Gabrielle d'Estrées. On y voit encore un tour de lit, et quelques meubles du temps qu'elle l'habitait. (…) On lisait même encore en 1782, sur une pierre des vestiges restants du château dont nous venons de parler, ces mots: Graville, aussi ancien que Sire en France »(6).
         Il est fort probable que ce château ai servi de carrière et que sa destruction se soit accélérée entre le premier quart et la fin du 19ème siècle, car en 1888, et contrairement à la description qu’en fait Maurice Pignard en 1911, l’instituteur Louis Pierre le décrit tel qu’on peut le voir actuellement : « Quant au vieux Graville, son emplacement est tout indiqué dans le massif de bois auquel il a donné son nom(…) C’est un carré de 100m de côté entouré de fossés ayant 10m de largeur sur 3 de profondeur et formant glacis du côté de la construction. Le pont-levis est fixe aujourd’hui. La mare du donjon et les fossés sont habités par les grenouilles qui peuvent coasser en paix, car manants et vilains ne sont plus requis pour battre l’eau afin que le sire de Graville et sa noble dame puissent dormir en paix. Les lapins pullulent à leur aise et ne sont plus effarouchés par la trompe du guetteur et le cliquetis des armes des hérauts. Etrange destinée humaine ! Ces lieux naguères si bruyants sont aujourd’hui un véritable désert et la demeure d’un des plus puissants seigneurs du royaume est devenu celle de messire lapin »(7).    
 
RESTES DE FOSSÉS, CHÂTEAU DU VIEUX GRAVILLE (VERNOU-LA-CELLE-SUR-SEINE)
       Une courte annotation dans le cahier d'un rentier parisien(8) révèle qu’un trésor aurait été caché sur le site du Château du Vieux Graville par le dernier seigneur des lieux. Pour certains, il dormirait au fond d’un souterrain, qui soit-dit en passant, se prolongerait jusqu’au manoir du domaine de Graville, pour d’autres dans une cave profonde, accessible par un long escalier dissimulé par une trappe de pierre portant un anneau. Le neveu de Pierre V, qui a fouillé le site à la fin des années 70, aurait vu cette trappe un jour qu’il ramassait des champignons, mais n’a jamais pu la retrouver par la suite. Elle se situait à l’extérieur des douves, côté route. Les notes du cahier qui l’avaient précédemment iformé sur l’existence du trésor, précisaient qu’elle se découvrait ou s’ouvrait, uniquement à Noël pendant la messe de minuit et que le reste de l’année, elle demeurait invisible, mais notre prospecteur n’y croyait pas trop. Il laissait ce genre d’histoire à d’autres. Pour lui, l’explication n’avait rien de surnaturelle. Il a toujours été persuadé que les propriétaires avaient fini par condamner l’entrée de cette cave pour en interdire définitivement l’accès.   
      Après plusieurs prospections, ses collègues et lui, ainsi qu’un radiesthésiste compétent, auraient découvert des pièces de monnaies anciennes, divers ustensiles métalliques, des morceaux d’épées et de lance et quelques silex taillés. Ils auraient également mis à jour une pierre avec une inscription latine dessus, mais ce bloc aurait été vendu un peu plus tard à un collectionneur Parisien. Est-ce la pierre dont parlait Michelin ? Mon chercheur de trésor a été incapable de m’en dire plus. 
        Le témoignage du rentier fait également mention d’un revenant. Un habitant de La Thurelle l’aurait aperçu dans sa jeunesse, un soir qu’il rentrait chez lui. Il l’avait décrit comme une forme blanche, brumeuse, qui s’effilochait quand elle se déplaçait. Détail important : pendant toute la durée de l’observation, le revenant n’aurait pas quitté l’enceinte des ruines. Selon l’avis de son neveu, moins crédule lorsqu’il est question d’une trappe magique, il devait s’agir du fantôme du seigneur responsable de l’enfouissement du trésor. Ce spectre devait certainement être lié à ce magot, ce qui expliquerait, toujours selon lui, sa présence en ces lieux, du moins jusqu’à ce que quelqu’un découvre le trésor et s’en empare.  



(1)Jean de Foville, Auguste Le Sourd : Les châteaux de France, Hachette 1913, p 371
(2) « A proximité de la Thurelle et Champagne, existait jadis, le village de Tournenfuye ou Tournensie. Ce village a depuis fort longtemps disparu. Il fut le siège d’une seigneurie qui, plus tard, devint Baronnie », Franck Matagrin : Le château de Graville et ses propriétaires, Melun 1906, p1&2.
(3) Jean-Michel Regnault : Champagne-sur-Seine, Editions Amatteis, 1993, p 19.
(4) Maurice Pignard-Péguet : Histoire générale illustrée des départements : la Seine-et-Marne, Orléans, 1911, p 372.
(5) Larousse : Un accin désignait une clôture à l'époque médiévale. Ce mot était encore employé dans les campagnes au XIXème siècle pour indiquer les tenants et les aboutissants, d’un terrain par exemple.
(6)Louis Michelin : Essais historiques et statistiques du département de Seine-et-Marne, Melun, 1841, p 434/435.
(7) Louis Pierre : Monographie communale de la paroisse de la Celle, ADSM p 22.
(8) Cahier Pierre V, date du 17/02/1961.


De l’alignement mégalithique au palet de Gargantua
                       Il existe de curieux alignements mégalithiques dans la région. J’ai déjà dévoilé l’info à propos du menhir d’Ecuelles, mais sans fournir la moindre explication. Pourtant ce n’est pas du luxe. Alors allons voir de quoi il retourne.
Au-delà de la controverse sur la fiabilité et la précision des mesures, les faits restent étonnants si on veut bien y mettre un peu du sien. A l’origine de tout ça, il y a un certain docteur Marcel Baudoin de Paris. On lui doit les différentes lois dites des « Menhirs péri-sépulcraux », aujourd’hui complètement délaissées. Cet homme, qui fut président de la Société Préhistorique Française, avait remarqué qu’il existait des menhirs en relation avec d’autres mégalithes funéraires. En clair et pour faire court, que certains menhirs alignés indiquaient une sépulture. Suite à ça, plusieurs préhistoriens, locaux ou non, décidèrent de mettre en pratique chez nous cette théorie. C’est de cette façon qu’Edmond Hue découvrit le dolmen de Pierre Louve à Episy. Armand Viré et Paul Bouex établirent eux aussi près d’une quinzaine d’alignements à cheval sur les régions de Seine-et-Marne, du Loiret, de l’Yonne et de l’actuelle Essonne. Précisons quand même que ces dispositions, courant sur plusieurs kilomètres, sont loin d’êtres parfaitement rectilignes. Occasionnellement, les monuments sont placés bien à l’écart de la ligne théorique. Quelquefois ce sont ces derniers qui sont discutables et même si ça ne prouve rien (les néolithiques ont très bien pu utiliser un bloc naturel), il n’en a pas fallu plus pour discréditer le truc aux yeux de la communauté archéologique. Mon rôle ici n’est pas d’apporter des preuves de cette théorie, mais de la rapporter tout court, sachant que cette possibilité demeure, comme existe une légende ou une tradition.
DOLMEN DE LA PIERRE LOUVE, PHOTO PAUL BOUEX, AVANT 1909 (EPISY)
A Episy donc, le dolmen de Pierre Louve est une sorte de terminus mégalithique d’une ligne démarrant de la Pierre aux Couteaux de Diant, puis reliant la Pierre Cornoise de Thoury-Ferrottes et la Pierre Levée de Dormelles. Il a été étudié avec sérieux, amour et minutie par Edmond Hue dès 1905. L’alignement couvre une distance d’environ 10 km. Si vous vous munissez d’une grande règle et de la carte IGN au 1/25 000e n°2517W, vous verrez que la disposition en question n’est pas aussi précise que l’a affirmé Edmond Hue. La droite passe à une bonne cinquantaine de mètre à gauche du menhir de Dormelles et n’aboutit pas vraiment au dolmen, tel qu’il le situe sur son plan en tous cas. Dommage, d’autant que son étude consacrée à la Pierre Louve est remarquable. On ne peut pas avoir tout bon à chaque fois.
Les croquis qu’il a réalisés et la photo qu’en a tirée Paul Bouex donnent un bon aperçu de l’aspect de ce monument. L’un de ses piliers ayant été renversé et sa table fortement inclinée, le dolmen faisait penser à la silhouette d’une grenouille ou d’un crapaud assis. C’est Edmond Hue qui le dit. Dans sa plus grande longueur, la table de couverture mesurait 3,60 m, ce qui n’était pas si mal. Il aurait été détruit en 1909-10 par le propriétaire du champ, pour qui agriculture et mégalithisme étaient incompatibles.
            Avant de parler légende, rappelons la présence du Moulin de la Folie à moins d’un kilomètre. Ce nom pour le moins suggestif a souvent été rattaché à des blocs naturels ou aménagés par l’homme (Pierre Folle, Roche Folle, qui ont souvent l’habitude de se déplacer, de tourner sur elles-mêmes, ou de danser). Il peut également faire référence aux fées, aux lutins follets, et, dans un registre moins fantastique, au hêtre ou à la maison de campagne du XVIIIe. Certains ont pensé que la Pierre Louve pouvait être une Pierre Folle qui aurait troqué son ancien nom pour l’actuel.   
Un petit bois, à l’est de l’ancien emplacement du dolmen, recèle un curieux tertre couronné par une grosse pierre plate. Il est possible que nous soyons en présence d’un tumulus renfermant un dolmen du même type que celui de la Pierre Louve.
Les gens du coin désignaient aussi le dolmen sous le nom de Pierre Lourde et plus rarement Pierre Levée. Est-ce en rapport avec la légende du palet ou une déformation de langage ? Je l’ignore, mais beaucoup de mégalithes portent des noms inspirés de ce sympathique canidé.
LA PIERRE LOURDE OU PIERRE LOUVE, DESSIN D'EDMOND HUE (EPISY)
Pour Jean-Michel Hermans, sans aucune référence à l’appui, « les toponymes rappelant l’existence d’un mégalithe sont extrêmement nombreux sur tout le territoire français. Certains sont très évidents, d’autres le sont moins. Beaucoup se cachent sous le mot « loup ». Au cours des siècles, certains mots hérités des Gaulois sont restés en usage alors qu’on en a perdu le sens et la prononciation. Ainsi lou qui semble avoir désigné un menhir en gaulois (peut-être même en pré-celtique ?), peut-être lié au dieu gaulois Lug, a été transformé en loup »(1).
Paul Bailly dit « qu’elle s’appelait la Pierre Louve parce qu’elle aurait été le refuge des loups »(2). Je ne suis pas certain que ces animaux traînaient encore dans la région à cette époque, et puis il y a un autre problème qui touche aussi la légende. D’après Edmond Hue, c’est le propriétaire de la parcelle qui commença à déblayer le tertre qui cachait les piliers du dolmen, ce qui indique qu’autrefois seule la table était apparente, et peut-être seulement le sommet des piliers. Du coup je ne sais pas si cette histoire de loups tient toujours. Quant aux légendes qui sont toutes liées à Gargantua, une fois encore, j’ai de sérieux doutes à propos de leur ancienneté.          
J’ai déjà relaté le récit associé à la Pierre Droite d’Ecuelles. En voilà trois autres :
« Tandis que dans la campagne Gargantua ramassait des cailloux pour lancer sur la Pierre Droite, il en fit tomber un de sa poche, qui devint la Pierre Louve »(3).
« Gargantua, après s’être baigné dans l’étang de Villeron, s’amusa à jouer au palet en prenant comme but la Pierre Droite (menhir près d’Ecuelles) au bord du canal du Loing. A la fin de sa partie, il oublia sur le sol son palet qui est toujours resté là depuis »(4).
 « Gargantua, étant sur les hauteurs dominant le Lunain, voulut lancer son palet sur la Roche du Saut de Villecerf. Mais le palet était trop lourd et tomba en route à Pierre Louve »(5).
A peu de choses près, la position du géant devait se situer à moins de 80 m de la sépulture de Pleignes, fouillée en 1900. Elle consistait en un simple bloc sous lequel une cavité avait été aménagée. On mit à jour une dizaine de squelettes et un crâne de canidé. Elle est attribuée par les spécialistes de l’archéologie à l’ensemble néolithique Seine-Oise-Marne.
BORNE PENCHÉE (EPISY)
Une certaine Roche Galeuse, donnant son nom à un climat ancien, figure sur le cadastre napoléonien du XIXe. Il se situe dans la partie nord-ouest du Bois de la Boulinière, côté Episy. Ma famille et moi avons parcouru les lieux sans rien découvrir. Toutefois M. Lucien M. se souvient avoir vu dans le bois, vers l’âge de 12 ans, une sorte de petite pierre dressée. Le long de la limite communale subsiste une grosse borne couchée aujourd'hui, mais dressée il y a peu de temps encore. Est-ce la même pierre ? Il m’a été impossible de le savoir. Étymologiquement, le nom de Roche Galeuse, pourrait évoquer un endroit où l’on se divertissait, de galer (s’amuser) ou gale (réjouissance, amusement), mais pourrait aussi venir de gal (bocage, broussaille), ou tout simplement indiquer la nature accidentée de la roche. Y avait-il une coutume en relation avec la danse effectuée autour de la pierre, comme il en existait dans certaines régions de France ? Affaire à suivre.
LA MÊME BORNE, AUJOURD'HUI COUCHÉE (EPISY)

(1) www.jean-michel-hermans.com
(2) Paul Bailly : Toponymie en Seine-et-Marne, éditions Amattéis, 1989, p 314.
(3) Tradition orale.
(4) Armand Viré : Le Palet de Gargantua, Revue des Traditions Populaires, Tome IX, n°7, Juillet 1894, p 394.
(5) Edmond Hue : Le Dolmen de Pierre-Louve a Episy, Annales du Gâtinais, Tome 24, 1924, p153.

L’appartement du dessus
                              Autrefois, si vous aviez voulu voir à quoi ressemblait l’un des nombreux repaires du Démon, la Cave au Diable aurait été faite pour vous. A l’heure actuelle les choses ne sont pas si simples. Uniquement connue de la tradition orale, elle est située au lieu-dit la Vallée aux Anes. Pour vous y rendre, il vous faudra, en quittant Episy, emprunter la D 148 jusqu’au premier chemin gravillonné partant à gauche. Monter ensuite en longeant le bois. Au second virage, continuer à droite jusqu’à atteindre l’extrémité du bosquet. C’est pas fini. Poursuivre le sentier de crête sur 25 m avant de descendre entre deux langues boisées. Au bout, tourner à gauche et s’arrêter quelques mètres plus loin au niveau d’un gros genévrier : derrière se trouve une petite dépression herbeuse. Là, quatre gros blocs de roche couvrent l’entrée d’un souterrain. C’est ce que rapporte la légende.
ENTRÉE (BOUCHÉE) DE LA CAVE AU DIABLE (ÉPISY)

                           A propos de l’existence d’un souterrain, entendons-nous bien : en réalité, personne n’est foutu de dire ce qu’il y avait à cet endroit. Une grotte ? Bouchée dans les années 60 par un fermier qui y aurait "enterré" des porcs morts de la fièvre aphteuse (1), il est impossible aujourd’hui d’y avoir accès, sauf si on dispose d’un bulldozer, d’un engin équivalent, ou d’un bon paquet de dynamite. « Les habitants du village, qui connaissent leurs classiques et surtout le mythe du souterrain de communication à grande distance, prétendent que cette galerie conduirait jusqu’aux fermes de Mazagran et de Trin, situées respectivement à plus de 2 et 3 km de là ». Histoire d’enfoncer le clou encore plus, ils disent également que « ce lieu était l’antre du Diable ou l’une des entrées de l’Enfer, et qu’il fallait éviter d’y descendre certains mois de l’année ».
                                                      
 (1) Information transmise par Mr François Marchand


         Le Templier fantôme d’Épisy
                        Il y a environ vingt ans de cela, durant les années 1990, un fantôme aurait hanté le clocher de l’église d’Épisy. On prétend que des gens se déplaçaient de loin pour le voir. Certains venaient exprès de Montereau. D’autres soutiennent avoir vu la silhouette fantomatique arpenter le beffroi. L’apparition était plutôt bruyante et poussait de longs hurlements à vous glacer le sang. Ils étaient considérablement amplifiés dès lors qu’on se tenait sous le porche, ce qui me paraît tout à fait normal avec une telle architecture. J’ai découvert un témoignage qui valide plus ou moins cette histoire. Il provient du site internet de La Taverne de l’Etrange, consacré au paranormal.
            « Cela se passait à Épisy dans une commune du 77. Il y a 17 ans, en 1990, nous étions jeunes et étions à la recherche de sensations extraordinaires. Une amie nous avait conduites au porche de l’église en nous disant que sous celui-ci, il y avait un Templier enterré et que par nuit de pleine lune, il se manifestait. Une ½ heure d’attente et rien ne se passa. Nous sommes remontés en voiture et aussitôt, une respiration forte nous entourait, paniquée, j’ai remis le contact et j’ai roulé à toute vitesse pour emmener mes amis loin de ce phénomène inexpliqué. La respiration nous a suivi dans la voiture jusqu’à l’obélisque de Fontainebleau. Quand je me suis arrêté, l’une des passagères avait tellement eu peur que ses ongles étaient plantés dans mon blouson de cuir ; elle m’a entaillée l’épaule. Je suis souvent revenu à cet endroit pour essayer de comprendre, mais je n’entendis plus jamais respirer. En tout cas, tous mes amis du moment s’en souviennent encore, du coup quand on passe à Épisy, on salut très respectueusement la Tombe qui « Respire » »(1). 

(1) Le Templier se manifeste : http://tyron29.kazeo.com/Xperiences-histoires-vecues,r81531.html
ÉGLISE D'EPISY

                  D’après Claude-Clément Perrot, il n’y a eu à sa connaissance aucun templier enseveli sous l’église. Il y avait bien des Templiers à Cugny où une cave de l’Ordre à été trouvée, mais on n’a aucune trace d’eux à Épisy. En revanche, depuis le 17 août 1753, date à laquelle il est mentionné pour la première fois qu’un curé, nommé François Bourdin, est inhumé dans le chœur de l’église, tous les autres prêtres de la paroisse auront droit au même traitement de faveur, ce qui en fait au moins une bonne trentaine . Y avait-il un néo-Templier parmi eux ? Je l’ignore.                  Quant à l’histoire du fantôme, il semblerait qu’on ait eut affaire à un rapace nocturne qui avait décidé d’élire domicile dans le clocher. Jetant un œil dans ce dernier, Mr Fèvre et le maire du village avaient fini par découvrir des déjections sur le sol et c’est ce qu’ils en avaient conclu. Que ce devait être une chouette, un hibou ou un autre représentant de nos sympathiques strigidés. C’était le moment de passer à autre chose. D’installer un grillage par exemple. C’est ce qui fut fait et c’est comme ça que le village d Épisy perdit définitivement son fantôme.



Les pierres du marquis
Fin du XIXe siècle. Stimulé par les théories de la Tour d’Auvergne, le marquis de Roys rédige un article « sur quelques restes druidiques » de la commune de Villecerf. Même s’il est avare en traditions et qu’il affabule pas mal sur la destination et la fonction des monuments qu’il cite, il a au moins un atout en poche, celui de regrouper dans son papier toutes les pierres légendaires du coin. Reprenant à mon tour l’ordre de cet article, je vais tenter de faire le point et d’apporter quelques précisions supplémentaires sur tout ça.
 Après une courte introduction historique (la Gaule occupée, le déclin du culte des druides et la description de leurs monuments) le marquis De Roys écrit :
« Sur une petite éminence est une réunion de roches de grès, connue dans le pays (Villecerf) sous le nom de Cheminée haute ; ce sont des roches d’un très gros volume posées simplement sur le sol, laissant au milieu un petit espace vide à peu près exactement circulaire, où l’on pénètre par deux étroits passages. (Il prétend ensuite que ces roches ont été édifiées de main d’homme et transportées par de mystérieux moyens connus seuls des druides) Entre deux des grosses roches entourant cette petite enceinte, a été posée à une certaine hauteur une petite roche également brute, mais de forme ovale et sur une inclinaison de 35 à 40 degrés. Vue de côté et à quelque distance, cette petite roche et la grosse sur laquelle elle s’appuie, au nord, offrent un aspect particulièrement remarquable. (…) la petite roche présente tout à fait l’apparence d’une tête vue de profil ; il semble qu’on en distingue très bien les traits. L’énorme roche sur laquelle elle s’appuie ressemble à un homme agenouillé, vêtu d’une longue robe avec un camail dont les bords sont parfaitement indiqués par un poli de la pierre. (…) le nom de Cheminée haute semble indiquer qu’on y allumait de grands feux. Aurait-elle été le théâtre de quelques-uns de ces horribles sacrifices humains, fréquents dans l’atroce religion des druides ? Il est malheureusement difficile de supposer un autre but à ceux qui ont fait amener de telles roches sur cette petite éminence, et naturellement le souvenir des grands feux qu’exigeaient ces affreux sacrifices a fait donner à ce lieu le nom de Cheminée haute »(1).   

(1) Marquis de Roys : Sur quelques restes druidiques, l’Abeille de Fontainebleau, 4 Juillet 1879.
LES PIERRES DE LA CHEMINÉE HAUTE (VILLECERF)
Avant toute chose, signalons que les pierres de la Cheminée Haute sont actuellement sur la propriété de Madame Eriaud. Sa maison, située derrière les bâtiments de la COMEVI, est légèrement en contrebas de l’ensemble, plutôt bien mis en valeur. Passons maintenant au texte du marquis. OK pour la petite éminence et les roches de grès. Ce sont bien des roches en grès et d’un très gros volume. Quand au reste il faut soit beaucoup d’imagination, ou soit considérer que le monument ait subit de fortes dégradations au point de ne plus être identifiable, ce qui ne me semble pas être le cas, même si l’une des roches du lot présente une encoche de débitage. L’unique emprunt fait à l’ensemble est la petite roche ovale qui a été descendue et placée à l’écart sur le terrain. La propriétaire la trouvait dangereuse pour ses petits enfants. Du coup, la silhouette humaine passe à la trappe. Maintenant, si vous voulez mon avis sur les pierres de la Cheminée Haute, je vous le donne volontiers. C’est une formation naturelle comprenant une douzaine de blocs, s’étendant sur environ 25 m de longueur sur 7 de largeur et n’ayant aucune forme particulière. La roche la plus curieuse est celle qui se trouve à l’extrémité Est. C’est elle qui a donné son nom au lieu. D’une hauteur de 4 m, elle est percée d’un large boyau qui la traverse de haut en bas, suivant une inclinaison de 40° à tout casser. A l’intérieur comme à l’extérieur, la pierre est propre et ne porte aucune trace de fumée. Les autres non plus d’ailleurs. Vous allez me dire « Depuis le temps, tout ça a pu disparaître ! ». Peut-être. Mais peut-être qu’aussi on n’a jamais fait le moindre feu sacrificiel à cet endroit. En fait, il y a un maximum de chance pour que ça ne soit jamais arrivé.
Madame Eriaud m’a raconté qu’autrefois « les garçons s’amusaient à faire monter les filles par ce conduit », certainement pour zyeuter sous leurs jupes. C’est quand même plus sympa que de cramer les gens. Elle m’a dit aussi que « les anciens croyaient qu’il y avait plus de grès en sous-sol qu’en surface, et qu’ils poussaient ».
On rapporte également que « Gargantua après avoir nettoyé le Lunain ou après lui avoir creusé un nouveau lit, transbahuta la vase et les gravats dans une hotte. Elle débordait de partout et plusieurs cailloux en tombèrent, dont les Pierres de la Cheminée Haute »(1).      

(1) Paul Bouex : Les mégalithes des environs de Nemours, L’Homme préhistorique, n°10, 1912, p 345.
LA CHEMINÉE HAUTE (VILLECERF)
                       Dans la deuxième partie de son étude, le marquis mentionne « une enceinte ellipsoïdale formée par des roches de grès plantées verticalement en terre et espacées de 7 à 8 mètres ». En gros, quelque chose qui pouvait ressembler à un cercle de pierres, un cromlech comme on disait à tort il n’y a encore pas si longtemps. Elle se trouvait à mi-pente du chemin conduisant à la ferme de Train, qui correspondait jadis à l’avenue du Château de Saint-Ange. Déjà à l’époque de Roys, la majorité des blocs avaient été débités par les carriers. Ne demeuraient que 7 ou 8 pierres situées au bord d’un chemin. Connaissant l’auteur, j’émettrais instinctivement quelques réserves sur ses affirmations, d’autant que beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis. Toutefois, imaginons un instant qu’il ait raison et fonçons tête baissée. Que reste-t-il aujourd’hui de cette enceinte ? Dans la zone décrite par le marquis, une seule pierre est encore visible. Elle se situe à un peu plus de 100 m de l’ancien tracé du chemin de la ferme, à environ 80 m d’altitude, c’est à dire à peu près à la moitié de la pente. Le marquis ne précisant pas la taille du monument, et en tirant un peu le drap vers nous, acceptons qu’elle ait pu autrefois faire partie de l’enceinte. Cette roche est un grès comme on en fait plein la forêt de Fontainebleau. Légèrement arrondi, il me paraît planté là d’une manière tout à fait naturelle. Il y a au sommet une petite cavité à peine creusée avec un conduit d’écoulement, sorte d’équipement standard pour le sacrifice humain, cher aux druides et à leur « atroce religion ». J’invente rien, ça vient de de Roys. A cet endroit, le cadastre de 1820 ne nous sera d’aucune utilité. Par contre, à environ 80 m vers l’est, on trouve le climat de la Pierre Bésoire. Il n’y a plus aucun bloc dans les parages. A défaut de pierre, est-ce que par hasard ce toponyme ne renverrait pas à la roche au bassin, où, avec moins de certitude, à l’enceinte ? On peut toujours supposer qu’un ou deux remembrements aient sévis dans le coin et que les limites aient été quelque peu modifiées. Admettons. En revanche le nom du climat à de quoi suggérer un truc intéressant. John Peek, dans son Inventaire des mégalithes du Bassin parisien, suppose que plusieurs toponymes anodins renferment peut-être l’élément celtique bed ou bez (sépulture) qui aurait subit plusieurs déformations ou assimilations. Dans l’argot du XVIe on disait bézarder pour mourir, il est bézardé, : il est mort. A titre d’exemple, il cite des lieux comme bézon, bisson, soubize, pesant, soupèse…, dont certains renvoient directement à des dolmens ou des menhirs. Avec Bésoire, on reste dans le même ton. Alors la Pierre Bésoire, véritable mégalithe ou pierre naturelle ?     
ROCHE A CAVITE (VILLECERF)
Pour la suite, je laisse la parole au marquis :
« A quelque distance, ce chemin (celui des 7 ou 8 pierres restantes), passe à côté d’une excavation circulaire de près de 3 mètres de profondeur et 6 à 7 de diamètre à l’orifice. Au fond est une roche plate de grès dont la surface est traversée par une étroite rainure évidemment pratiquée par une main d’homme. Cette roche n’a pu être formée à la place où elle se trouve, appartenant à une couche très inférieure à l’étage des grès de Fontainebleau. Quand nous avons voulu nous informer des souvenirs qui pouvaient s’y rattacher et que nous avons questionné sur cette étroite rainure, on nous a constamment répondu : ‘C’est la griffe du Diable’. Jamais nous n’avons eu d’autre explication »(1).
Pour tout avouer, moi non plus. Personne sur la commune ou ailleurs n’a jamais eu vent de l’existence de cette pierre et encore moins de sa légende. Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais moi cette roche me fait songer à un polissoir néolithique comme on en trouve à la pelle dans les vallées du Lunain et du Loing. Et pour être plus précis, à un monument bien connu : la Roche au Diable de Paley auquel est attaché une légende de ce type. On en reparlera plus tard.
            JDR., l’arrière-petit-fils du marquis (enfin je crois), m’a également parlé un jour d’une Roche au Diable qui se trouverait au sommet de la Butte Beaumont. C’est durant son enfance qu’un bûcheron lui aurait indiqué ce bloc. Tout d’abord conciliant, M. DR. a néanmoins toujours refusé de me la montrer, prétextant d’obscures excuses liées à un conflit familial.
Patience et longueur de temps, comme on dit…

            Le marquis termine son étude de 1879 par la Roche du Saut, qui reste la première valeur sûre de la région. Un arrêt de bus scolaire porte son nom, c’est pour dire. Nullement embarrassé par le poids et la taille des blocs, notre géologue de marquis voyait dans ce monument « La destruction d’un dolmen exécuté, que quelque convulsion du sol a renversé »(2). J’aime bien sa façon de dire les choses. On sait aujourd’hui que l’aspect de cet édifice n’est dû qu’au simple travail de l’érosion qui, peu à peu, a dégagé cette masse gréseuse du sable qui la recouvrait. Armand Viré pense que d’autres supports ou d’autres blocs ont pu exister, car des vestiges de débitage de carriers parsemaient les environs de la pierre.
Outre son actuelle désignation, on lui en connaît deux autres : la Pierre du Juif Errant et le Palet de Gargantua.

(1 et 2 )Marquis de Roys : Sur quelques restes druidiques, l’Abeille de Fontainebleau, 4 Juillet 1879.
LA ROCHE DU SAUT (VILLECERF)
Dans les terriers de la paroisse datant du XVIIe siècle, le monument est toujours mentionné, sous le nom de Roche du Saut. Les variantes orthographiques sont parfois nombreuses : sceau, saux, saut, sault... Difficile après ça de se faire une idée exacte de l’origine de son appellation, même si certaines traditions prétendent « que les condamnés étaient conduits au sommet de cette roche pour être ensuite jetés dans le vide sur une forêt de piques acérées ». Ouille ! Ou « qu’un amoureux déçu aurait fait un saut suicidaire du haut de la roche ». Sault et saux peuvent par exemple renvoyer au saule (latin salix). Le nom de Gargantua, lui, n’est jamais indiqué. Bizarrement, les seules légendes que l’on connaisse à propos de cette pierre ne font intervenir que ce même personnage, et jamais dans un récit où le thème du « saut » est présent de façon explicite.
« Comme la Cheminée Haute, la Roche du Saut serait tombé de sa hotte tandis qu’il transportait sur son dos les déblais tirés du Lunain, pour élever la montagne de Trin »(1).
 Une autre fois, « Gargantua souhaitant s’amuser un peu, dressa sa godiche (son but, le bloc soutenant la table du monument) au pied de la montagne de Villecerf et la visa avec un énorme palet. Le géant qui, pour une fois, n’était pas emmanché à l’envers, réussit un coup parfait. Le palet vint terminer sa course en plein sur la godiche et forma ainsi la Roche du Saut »(2).
            Il est fort probable que ces deux légendes soient récentes et en masquent une, plus ancienne, où à l’évidence ce rocher a été le lieu d’un saut. Face au monument, au pied de la Montagne de Trin, existait autrefois un lieu-dit du nom de Roche Saint-Martin, (présent dès 1463) qui mine de rien est le patron du village. Plus aucun rocher n’est visible aujourd’hui à cet endroit, mais il est possible qu’autrefois un tel bloc subsistait et qu’il portait peut-être l’empreinte d’un pas de ce saint ou de sa monture.
J’imagine bien une histoire du genre :
« Saint Martin, venu évangéliser dans le coin, tombe sur son ennemi héréditaire : le Diable. Un combat s’engage et saint Martin, non initié à l’art du Kung Fu, prend la fuite sur sa mule. Satan le poursuit toutes griffes dehors, et balafre au passage un rocher (rappelez-vous, la Griffe du Diable, sur un bloc pas très éloigné). Le saint grimpe au sommet de la Roche du Saut, effectue un « bond prodigieux » (c’est souvent comme ça avec ce type de récit), et atterrit sur la roche qui deviendra celle de saint Martin, puis, serein, se fait la malle, laissant le Diable dépité de s’être ainsi laissé distancer ».
Ce saint a très bien pu sauter aussi à la suite d’un pari avec le Diable. Jadis, ça arrivait souvent. A chaque fois le Malin (sic) perd ce qu’il a engagé, des âmes, diverses constructions…, et si peu de disques de Diam’s que ça ne vaut pas la peine d’en parler.  
On sait que saint Martin a commis beaucoup d’actions analogues à celles de Gargantua et qu’il apparaît pour certains comme son digne remplaçant. Le hic à Villecerf, c’est que d’ordinaire saint Martin succède à Gargantua et non pas le contraire.
A l’heure actuelle, j’ignore complètement pourquoi la Roche du Saut s’appelle aussi la Pierre du Juif Errant

(1) Paul Bouex : Les mégalithes des environs de Nemours, L’Homme préhistorique, n°10, 1912, p345.
(2) Librement inspiré de : Paul Bailly : Légendes au cours des siècles en Seine-et-Marne, Traditions Populaires, 1978, p22.


Gargantua, encore et encore
Le géant est également le concepteur et le créateur de la Montagne de Train, dominant la Roche du Saut. « Traversant le territoire d’Ecuelles, il s’embourba jusqu’aux genoux dans les marais qui autrefois bordaient l’Orvanne, au nord de Montarlot. Furieux, il gueula : « je vais revenir vite fait boucher ce trou’ ! Le lendemain, il remplit une grande hotte de terre et prit le chemin des marais. En route, ses bretelles, tressées à la hâte, cédèrent brusquement. La hotte se renversa et son contenu se répandit sur le sol. La butte constituée par cette hottée s’appelle aujourd’hui la Montagne ou Butte de Train »(1).
A propos de cette colline, Christian Voisin suppose que « Trin, viendrait du celte trino (de trinox(tion) samo(ni) : la fête des trois nuits de Samonios, la Samain ». Sans aucune preuve en poche, il affirme que « La Montagne de Trin était un tertre sacré celtique au sommet duquel Belisama, la toute puissante déesse mère et parèdre de Belenos, était honorée »(2). Le toponyme du Bois de la Lune (visiblement ancien et mystérieux) en serait une preuve, « car Belisama est une déesse lunaire ». 

(1) Librement inspiré de : Paul Bailly : Légendes au cours des siècles en Seine-et-Marne, Traditions Populaires, 1978, p22.
(2) Christian Voisin : Histoire secrète des fermes monacales et seigneuriales, le Puits Fleuri, 2007.


Maçonnerie
                        C’est en 1947 qu’Henri Parvanchère fait mention de la tradition suivante : « Mélusine était un personnage légendaire dont le bas du corps prenait chaque samedi une forme de serpent. On attribue à la fée Mélusine la construction du château Saint-Ange »(1).
A priori, c’est le seul à rapporter une telle légende et les habitants actuels des lieux n’en ont jamais entendu parler.

(1) Henri Parvenchère : Notre canton n°7, 1947, p20.


Pierre au trésor et lutin gueulard
Tous ceux qui se sont baladés sur les hauteurs de Dormelles, à deux pas du Pimard, ont forcément remarqué un jour ou l’autre dans une parcelle de champ un grès d’une belle couleur rouille. C’est pas de sa faute. Le fer qu’il contient lui donne cette teinte rousse si caractéristique, du moins c’est ce qu’on m’a dit.
Comme vous le savez déjà, ce menhir aurait été le dernier de l’alignement qui conduisait au dolmen de la Pierre Lourde à Episy. Paul Bouex, commentant les théories du docteur Baudoin nous confiait déjà en 1911 : « La hauteur des éléments et leur altitude vont presque toujours en décroissant vers la sépulture »(1). Concernant la disposition Pierre aux Couteaux/Pierre Cornoise/Pierre Levée, un simple coup d’œil suffit pour remarquer que les formes et les proportions des monuments vont decrescendo, dès lors qu’on considère le monolithe de Dormelles. Ici l’écart de dimension est considérable, puisque celui-ci ne mesure pas plus d’1,50 m, pour plus de 4 m pour le menhir de Diant et plus de 3 m pour celui de Thoury-Férottes. C’est un mauvais point qui lui vaudra souvent le titre d’imposteur et continuera à lui coller à la peau, depuis que certains l’ont taxé de mégalithe « le plus fruste et le plus contestable de la région »(2). Ce n’est pas de bol. Tous les menhirs n’ont pas l’aubaine de voir le jour à Carnac, berceau des dieux lithiques, où, malgré leur trombine de caillou quelconque, certains blocs la ramènent sous prétexte qu’ils sont classés comme tels. 

(1 et 2) Paul Bouex : Les mégalithes des environs de Nemours, l’Homme Préhistorique, 1912, Tome 10, p 300 et 330.
LA PIERRE LEVEE (DORMELLES)
Les divers études et articles qui lui ont été consacrés sont la réplique exacte des opinions qu’on s’en fait : a quoi bon se fouler pour un vulgaire caillou qui n’est sûrement pas un menhir. On le mesure, on le classe quand même aux MH, on ne sait jamais, on discute de sa véritable nature, sans pour autant faire ce qu’il faut pour se forger une opinion définitive, et le tour est joué. Restent le légendaire et les traditions pour combler les trous : certains auteurs soutiennent « qu’il se dressait autrefois à plus de trois mètres au-dessus du sol, mais que des fouilles faites à sa base l’auraient endommagé »(1). D’autres : « qu’il s’enfonce de plus de deux mètres dans le sol »(2). « Jadis cette pierre était plantée debout et s’élevait à plus de trois mètres au-dessus du sol. Aujourd’hui, elle est à moitié couchée dans une fosse et son sommet ne dépasse guère que d’un mètre cinquante au-dessus de la terre »(3). On a supposé aussi avec plus de rigueur « qu’il s’agirait d’un support de table de dolmen détruit »(4).
Ce bloc ne compte pas moins de cinq noms différents : la Roche de Dormelles, la Pierre Levée, la Pierre Debout, la Pierre Plantée et la Pierre au Prince. Dans son histoire générale illustrée des départements, Pignard le prend pour un « menhir mérovingien contemporain de Brunehaut(5)». Ce dernier patronyme nous renvoie indirectement à quelqu’un. Il est temps que je vous le présente. L’abbé Béraud, puisqu’il s’agit de lui, est certainement l’un des premiers, vers 1820, à agrémenter la bataille de Dormelles de faits et d’éléments inventés et prétendre que la Pierre aux Couteaux de Diant en était un monument commémoratif. Vous connaissez la suite : plusieurs auteurs prendront la relève, en contamineront d’autres, les écrits seront déformés, amplifiés, et entre autre choses on commencera à raconter dans les campagnes « que tous les menhirs de la contrée étaient les tombeaux d’un général du temps des guerres »(6). Le nom de Pierre au Prince est en quelque sorte une réaction à tout ça, et sans doute un reliquat à peine voilé du mythe du général enterré. Une légende de trésor enfoui était attachée à la Roche de Dormelles. « Le propriétaire ayant trouvé au pied de cette pierre un trésor (comme dans la poule aux œufs d’or), il commença avec sa pelle et sa pioche à creuser tout autour. Il creusa si bien qu’il ne trouva point de trésor, mais la pierre ébranlée se coucha dans sa fosse et voilà pourquoi, paraît-il, on voit la pierre au prince allongée sur la terre au lieu d’être debout »(7). On voit jusqu’où l’influence de certaines rumeurs peut pousser les gens à agir, cette histoire ayant suffit à notre homme pour qu’il songe à délester discrètement le prétendu « prince » de sa fortune.
                Si vous avez cinq minutes, empruntez à Dormelles le Chemin des Sables, puis cheminez en limite de bois là où il y a un parking pavé, avant de grimper 50 m sur la droite pour atteindre une croix de fer forgé. à 10 m sur la gauche, en début de pente, se trouve le Toboggan, ou Roche Glissante, une longue et belle pierre à glissade, sûrement la plus chouette et la plus typique de la région. En dépit des nombreuses plages de grès poli qui attestent l’ancienneté de son usage, aucune tradition ni coutume relative à ce monument n’a été rapportée à ce jour.
LA PIERRE A GLISSADE OU TOBOGGAN (DORMELLES)
(1) Albert Bray : Inventaire archéologique du canton de Moret, Notre canton, 1956, p 198.
(2) Gabriel Leroy : Pierres druidiques de l’arrondissement de Fontainebleau, ADSM 968F.13
(3) M. Godillon : Histoire de Dormelles, 1912, tapuscrit prêté par Mr Dumontier, p 7.
(4) Armand Viré : La Vallée du Lunain aux âges préhistoriques, Charles Monnoyer, le Mans, 1926, p 27.
(5) Maurice Pignard-Péguet : Histoire générale illustrée des départements, la Seine-et-Marne, Orléans 1911, p 355.
(6) Armand Viré : les mégalithes de l’arrondissement de Fontainebleau, l’Homme Préhistorique, n°4, 1906, p 100.
(7) M. Godillon : Histoire de Dormelles, 1912, tapuscrit prêté par Mr Dumontier, p 7.

                      A la limite de Dormelles et de Ville-Saint-Jacques, à droite de la départementale 120, existait autrefois sur l’Atlas de Dormelles de 1769, un toponyme curieux : le Huchoir du Huchot, peut-être dépositaire d’une ancienne légende. Si on sait ce qu’est un Huchoir, un promontoire, un perchoir, on ignore en revanche ce que signifie Huchot. J’ai néanmoins quelques pistes. Hucher signifie « appeler en criant ». J’ai cru au début qu’un Huchot pouvait être une chouette ou un hibou, mais en cherchant dans les différents patois de France je n’ai trouvé que des « Chouins, Chouan, Chavoche, Chavant, Chaouette, Chat-Huant, Huant, Houpet, Houpeux… » pour désigner ces deux rapaces nocturnes. Le folklore, lui, est plus convaincant. Dans La terre et le monde souterrain, Sébillot décrit différentes espèces de Hucheurs, ou lutins criards, dont les activités se résument à pousser des cris lamentables, à gémir, à pleurnicher, à interpeller le badaud pour l’avertir d’un danger ou tout simplement l’occire. Admettez qu’entre Hucheur et Huchot, il n’y a qu’un pas. Ce pas rapidement franchi, il n’y a aucune raison de ne pas s’imaginer que le Huchot de Dormelles ait pu être issu de cette famille de génies braillards. J’irai même jusqu’à penser que son perchoir pouvait être une des bornes de finage qui devaient exister à cette époque. N’oublions pas en passant que cet ancien climat était situé à la frontière de deux communes, lieu éloigné des hommes, où se manifestent généralement les esprits du terroir et toute une clique d’apparitions fantastiques.


Le Fort de Challeau, version légendaire
                 Le Fort de Challeau de Dormelles est connu pour abriter un souterrain, un trésor et le fameux tombeau de la Reine Frédégonde. Son actuel propriétaire, Mr Jean Dumonthier connait tout ça sur le bout des doigts et certainement mieux que moi. Je lui laisse donc la parole :
                     « Quand nous sommes arrivés à Dormelles en 1937, mon père a interrogé un "vieux" du pays qui avait la réputation d'en connaître l'histoire. Il lui a dit qu'il y avait un souterrain qui reliait le château de Challeau à celui de Saint-Ange dans la tour poterne sud, dite "la chapelle" car elle comporte des plâtreries de style médiéval mais d'époque renaissance. Après avoir creusé en sa présence à un mètre de profondeur environ, l'eau a commencé à sourdre ce qui n'est pas étonnant puisque cela correspond au niveau de la nappe phréatique. Mon père lui a fait remarquer qu'il ne pouvait pas y avoir de souterrain puisque l'eau affleurait à cette faible profondeur et le "vieux" pour ne pas perdre la face je pense, a répliqué qu'il y en avait eu un mais qu'il avait sans doute disparu ! Un souterrain pour relier Challeau à Saint-Ange, improbable car ce dernier n'a été construit qu'en 1545, époque à laquelle, la nécessité de souterrains ne se faisait plus sentir ».
LE FORT DE CHALLEAU (DORMELLES)

                  « En 1940 une dame amie et empreinte de magie, a été prise de tremblement en visitant la tour poterne nord et affirmé qu'il y avait un trésor enfoui dans le mur. Mon père toujours curieux et complaisant a fait ouvrir une brèche dans ce mur (la trace du rebouchage au ciment est encore visible), mais de trésor point. " Ah s'est elle écrié, il aura été volé!". Moralité : relisez la fable de La Fontaine: Le laboureur et ses enfants ».
LE VRAI-FAUX CERCUEIL DE FREDEGONDE, FORT DE CHALLEAU, (DORMELLES)

                « Le cercueil De Frédégonde : De source historique (Frédégaire), il y a eu en l'an 600 une bataille appelée bataille de Dormelles ou bataille des trois rois, au cours de laquelle les enfants de Frédégonde et Brunehaut, reines mérovingiennes s'entretuèrent. Au 19è siècle, les (mauvais) historiens locaux affirmèrent que le château de Challeau, en ruine, était celui de Frédégonde ou de Brunehaut, bien que la construction de ce fort soit postérieure de 6 siècles à cette bataille. Les cartes postales de l'époque 1900 ont repris cette légende (voir mon livre sur Dormelles). Et bien sûr le sarcophage ne pouvait être que celui d'une des deux reines. Or cela n'est pas possible, puisque le château est postérieur de 6 siècles, que le sarcophage est aussi postérieur, daté du 10/11ème siècle et que le vrai sarcophage de Frédégonde, reine de France est sans doute à la Basilique de Saint- Denis. C'est pourquoi, lors des visites, j'affirme que nous avons la fierté d'avoir le VRAI-FAUX sarcophage de Frédégonde, alors qu'à Saint-Denis, il n'y a sans doute que le FAUX-VRAI! On s'en tire comme on peut ».

               Et en guise de conclusion, une petite anecdote, sorte de prise directe sur la genèse de ce qui aurait pu devenir une légende :
                « Enfin, pour vous montrer ce besoin de merveilleux, il y a une dizaine d'années seulement, des travaux ont été faits dans un secteur du cimetière de Dormelles qui n'avait jamais été utilisé et on y trouva un charnier de centaines de corps. Le bruit courut aussitôt dans le village qu'il s'agissait des cadavres des mort de la bataille de Dormelles, d'autant plus qu'il manquait des têtes et des membres sans doute de guerriers torturés, disait-on. La Direction régionale de l'Archéologie fut mobilisée. La confirmation fut donnée qu'il s'agissait seulement d'un transfert en vrac des restes d'ossements de l'ancien cimetière en 1866, situé alors autour de l'église.
                Espérant ne pas avoir trop détruit votre amour des légendes. Bien cordialement Jean Dumonthier, dont la famille descend des seigneurs de Challeau depuis le 12ème siècle (ce que certaines personnes du village croyaient en toute bonne foi, je n'invente pas.) »(1). 

(1) Jean Dumonthier : lettre daté du 20 Septembre 2009.


La Source de la Commanderie, ou projet de centre Hospitalier pour les non-voyants
                        Il existait autrefois à Dormelles une commanderie de Templiers au lieu-dit actuel les Hôpitaux. S’il restait encore debout une chapelle et une grange vers la fin du 18ème siècle , les derniers vestiges de bâtiments furent détruits vers 1860. Aujourd’hui, on peut encore voir quelques morceaux de fondations et des débris de moellons éparpillés le long de la petite éminence boisée qui abritait autrefois la commanderie, ainsi qu’une source miraculeuse, visiblement très ancienne. 
BOSQUET ABRITANT LES RUINES DES TEMPLIERS (DORMELLES)
               Aux alentours de 1912, M. Godillon, garde des eaux et forêt à Dormelles écrivait à ce sujet : « Il y a plus de 50 ans, le propriétaire fit niveler le terrain et se débarrassa des pierres et des matériaux. Mr Tonnelier qui avait été employé à ce travail me raconta comment cela s’était passé. « Pendant plus de 40 ans, j’ai travaillé dans les terres des Templiers. Au commencement, j’ai reçu l’ordre du propriétaire de débarrasser le terrain. Il ne restait que peu de choses, le tout ayant déjà été vendu depuis longtemps, mais j’ai surtout nivelé les fondations pour rendre la terre praticable à la charrue. Pour cela, j’ai dû faire des fouilles. J’ai trouvé une grande quantité de cercueils en pierre avec des ossements, et d’autres objets auxquels je n’ai fait nullement attention. Avec une grosse masse, j’ai brisé tous ces cercueils et les pierres ont été vendues avec celles des fondations. Il en reste certainement d’autres car je n’ai pas fouillé partout ». Il m’a montré l’emplacement d’une porte conduisant à une immense cave, dans laquelle était allé plusieurs fois son père. Ensuite, il m’a montré vers le pied d’un noyer, à un endroit où j’ai ressenti une grande fraîcheur, un petit trou d’eau. C’était une source, et voici son histoire comme il l’avait entendu raconter par ses grands-parents. De tous côtés on venait en pèlerinage à cette source pour la maladie des clous (abcès). Tout le monde, me dit-il, apportait une poignée de clous rouillés, les jetait dans la fontaine et emportait après la cérémonie, une bouteille d’eau pour se laver. C’était une grosse source qui a été certainement détournée de son cours normal par suite de nivellement du terrain, mais par moments elle coule encore à flot dans un fossé qu’elle s’est creusé pour rejoindre la route »(1)
               Jean Dumontier rapporte qu’une autre « Croyance populaire lui attribuait des propriétés curatives pour certaines maladies, dont l’ophtalmie. On y venait de très loin en pèlerinage »(2).

(1) M. Godillon : Histoire de Dormelles, 1912, tapuscrit prêté par Mr Dumontier, p 5-6.
(2) Jean Dumontier Dormelles, 1999, chez l’auteur, p 55.
EMPLACEMENT DES RUINES DES TEMPLIERS ET DE LA FONTAINE MIRACULEUSE
CARTE DE L'INSTITUTEUR PENOT (1888) (DORMELLES)

                    Cette source n’est plus visible à l’heure actuelle. Elle coulait encore un peu il y a quelques dizaines d’années, mais aurait été comblée vers 1990, car par temps de pluie, elle débordait et inondait la route en contrebas et pouvait s’avérer dangereuse pour la circulation de nos belles voitures, sans traditions, elles.
Godillon qui assure question Templiers, prétend que l’un des bois proche de la ferme de l’Oseille : « S’appelle le Bois des Templiers et qu’il y aurait dans ce bois une cachette de Templiers »(1).

(1) M. Godillon Histoire de Dormelles, 1912, tapuscrit prêté par Mr Dumontier, p 8.


Trois abimes pour le prix d’un
                    Sur la rive droite de l’Orvanne, au nord de la nouvelle société de pompage, au lieu-dit les Prés de Châlons, s’étend un vaste marais couverts d’arbres morts et rempli de vase et de fondrières. Il est traversé par le Ru des Abimes qui en bout de course finit par se diviser en deux pour donner une suite de trous d’eau dont le Grand Abime , réputé dangereux et deux autres de moindre importance comme le Petit Abime à peine plus large qu’un bassin de fontaine publique. De mémoires d’homme, ces cavités naturelles ont toujours existées. Les différents cadastres, actuels et anciens, atlas, plans de monographies communales, et d’intendances les mentionnent à chaque fois.
LE GRAND ABIME (DORMELLES)

                        On m’a raconté qu’une légende similaire à celle de l’abime de Thoury Férottes courait à son propos. « Une nuit, un carrosse transportant une dame et ses cochers se serait par mégarde écarté de sa route avant de se précipiter avec son attelage dans le Grand Abime. On entendit plus jamais parler d’eux ».


Des lumières dans la nuit
                            Par chez nous, mais aussi ailleurs, l’Ardent est en quelque sorte le nom indigène du feu follet. Ce dernier est une lueur blafarde et diluée, voltigeant dans l’air à peu de distance du sol, et qui peut parfois être remarquée à proximité des endroits marécageux et dans les cimetières. Selon les régions, il est de tradition de l’associer à un esprit malin, une âme en peine, un lutin ou à toute autre créature supposée surnaturelle. D’après les chimistes, le feu follet proviendrait des matières organiques en décomposition, qui libèreraient de grosses bulles de méthane, de phosphine, et serait rendu naturellement inflammable à l’air par une faible quantité d’hydrogène phosphoré liquide. Le feu follet n'est pas une lueur spontanée. Il peut scintiller dix, vingt, trente secondes et même, quoique rarement, plusieurs minutes. Il n’engendre pas de fumée. Il ne s’enflamme pas. Il ne calcine même pas la végétation sur laquelle il se pose. C’est ce qui a fait dire à certains que la proportion d’hydrogène ou de méthane dans le gaz constituant le feu follet serait trop faible pour produire une combustion. Du coup, le météore brillerait seulement par une forme de phosphorescence, comme sa couleur parfois jaune, d’autre fois bleue ou rouge, le suggèrerait.
LA MARE DES ARDENTS (VILLEMER)

                      Cette petite mise au point terminée, filons à Villemer et plus exactement à la pointe sud de la commune. Une fois de plus, nous sommes en limite de finage, lieu propice aux manifestations bizarres. Là, au croisement du chemin de Montmery à Bezanleu et de celui de Villemer à Villemaréchal, se trouve un petit marécage ancien, déjà présent sur le Terrier de la commune de 1774 et portant le nom de « Mare des Ardents ». Ma famille et moi l’avons visitée en décembre 2007. Il y avait pas mal d’eau, de la vase, des grandes herbes sèches et jaunes et un arbre mort, lugubre à souhait. Selon la tradition, il ne faisait pas bon se balader dans le coin. Si on ne faisait pas gaffe, on pouvait même y laisser sa peau.
Une légende prétendait que : « Les âmes des morts sans baptême hantaient le lieu. La nuit, de petites flammèches dansaient au-dessus de l’eau et parcouraient les chemins à la recherche des personnes attardées afin de les entraîner vers la mare pour les noyer »(1)

(1) Anonyme : Renseignements sur les traditions, coutumes et croyances des vallées de l’Orvanne et du Lunain, 1930 ? ADSM : 968F6.



L’effet Allée Couverte
Juste à titre indicatif, John Peek mentionne dans son Inventaire des mégalithes de la  France un lieu-dit Bouzanleux, site d’une allée couverte. Nom à rapprocher de Bezanleu et de sa tuilerie. Bezanleu qui contient l’élément Bez, (bézarder : mourir, en argot du XVIe) et Leu (loup) dont l’association pourrait évoquer un monument mégalithique, pour ne pas dire un dolmen. Souvenez-vous, la Pierre Louve, d’Episy. Et, histoire de vérifier la théorie des alignements, sur la carte IGN, au 1/25 000, j’ai relié d’un trait le menhir de la Roche à Blain et celui de la Pierre Fritte de Nanteau. Si on le prolonge vers le Nord-Nord-Ouest, il passe par le bourg de Bézanleu. 
MENHIR PRÉTENDU DU BOIS BRULE (VILLEMER)
De plus, au cour de l’année 2008, Jean-Claude Larsonneur(1), pense avoir découvert dans le Bois Brûlé un menhir couché. Il se trouve non loin du hameau du Pimard, sur la commune de Villemer. Le monument, un grès de forme triangulaire et allongé mesure 4 m 30 de longueur. Il est entouré de quatre blocs plus petits n’affectant aucune disposition spécifique. De légères traces de polissage ont été repérées sur les différents éléments. D’après l’auteur, ces masses de grès sont complètement étrangères à la géologie du lieu. Il pourrait donc s’agir d’un menhir renversé ou tombé. Rien sur les cartes ou les cadastres ne mentionnent ce groupement insolite. Par contre si on relie la Pierre Levée de Dormelles distante de moins d’1km, à ce bloc, et qu’on le prolonge cette fois-ci vers le Sud-ouest, il traverse une fois de plus le bourg de Bézanleu. Bien entendu rien n’indique qu’il y ai eu à cet endroit une sépulture quelconque. Tout ça n’est certainement qu’un méchant coup du hasard. Mais quand même.

(1) Jean-Claude Larsonneur : Y aurait-il un mégalithe ignoré sur le territoire de la commune de Villemer ?  La Revue des Amis de Moret, n° 190, 2008, 133-134.





Les noyés-fantômes de Villemer
Depuis que j’ai crée mon blog sur les traditions et légendes de Seine-et-Marne, j’ai reçu divers témoignages, la majorité, sous la forme de commentaires. Autant avouer, qu’il y a là-dedans, à boire et à manger et certains sont loin d’êtres sérieusement exploitables. A l’inverse, deux ou trois me semblent valoir le coup, dont un particulièrement qui atteste, sur la commune de Villemer, de plusieurs récits ou fragments de traditions légendaires totalement inédits. J’ai pu contacter le témoin qui m’a assuré que ces histoires lui venaient de son arrière-grand-mère, une certaine Madame Boisseau. L’aspect négatif de l’affaire, outre la quantité (six légendes environ, peut-être un peu beaucoup pour une seule commune), c’est qu’aucun de mes informateurs habituels n’a connaissance de ces légendes. Vous allez me dire que tout ça ne signifie pas obligatoirement quelque chose et vous aurez sans doute raison. La légitimité d’un témoignage ne se mesure pas forcément à son ancienneté. On a très bien pu raconter n’importe quoi à n’importe quelle époque. Maîtriser l’histoire de notre passé n’est pas toujours une réalité et ce genre de confession est peut-être là pour nous aider à avancer un peu. Je l’entends comme ça en tous cas.





ANCIEN ETANG DE VILLEMER, PLAN D'INTENDANCE DU 18ème (VILLEMER)
A près une brève présentation : « Bonjour, je m’appelle Kévin B et j’habite Melun en Seine-et-Marne. Je suis étudiant à Paris et je voudrais apporter mon témoignage. Je l’ai déjà publié en partie sur un site consacré au paranormal, (Paranormal Info), mais je suis tombé par hasard sur votre Blog et je trouve qu’il cadrerait mieux avec le contenu de celui-ci.  Toutes ces histoires m’ont été racontées par mon grand-père.  Dans son enfance, il passait souvent ses vacances chez sa grand-mère qui vivait à Villemer, en Seine-et-Marne. Elle lui racontait toujours des histoires étranges(…) », voici ce que notre témoin nous apprend à propos d’un des anciens étangs de Villemer :


« (…) il y a longtemps à Villemer, il y avait un grand étang et au cours des ans,  plusieurs personnes s’y étaient noyées. Parfois, les nuits de pleine lune on pouvait voir leurs fantômes roder à l’endroit où il y avait autrefois l’étang. Ces apparitions étaient très méchantes et cherchaient à noyer les gens dans la rivière (Le Lunain (1)) et l’autre étang qu’il y avait près du village(2). Il parait que l’on a trouvé des squelettes humains quand on a asséché l’étang ».



L’étang dont parle notre correspondant est l’étang de Villemer, situé à la sortie nord du village, le long de la D148, au lieu-dit du même nom. Il a été asséché entre 1782 et 1839, dates où ont été établis le plan d’intendance, sur lequel il est nettement visible, et le cadastre napoléonien où il ne figure déjà plus. Donc, si on veut se faire une idée de son aspect et du reste, on peut toujours consulter le premier des deux. Alimenté autrefois par la source de la Fontaine de Villemer qui se canalisait pour former le Ru des Etangs, et probablement par plusieurs autres sources aujourd’hui captées, ce réservoir, le plus grand de la commune, était d’origine artificielle, sa disparition n’est donc qu’un juste retour des choses. Pour info, il y a quelques années, dans le cadre d’une prospection aérienne on découvrit à l’emplacement de cette pièce d’eau, les traces d’un petit fort qui semblait faire partie d’une ligne de défense du duché de Bourgogne.   


(1) C’est moi qui précise.

(2) L’étang de Villeron, c’est toujours moi qui précise.






Glouglous d’enfer à la Mare aux Chats
On m’avait signalé il y a un moment déjà, que l’espèce de dépression humide, située à Villemer sur le bord du chemin rural dit de Villemer à Saint-Ange, était ce qui restait de la fameuse Mare aux Chats (1). D’autres soutenaient qu’elle n’existait plus depuis longtemps. Pour couronner le tout, le cadastre actuel incorporait cette fosse dans le climat voisin, la Roche des Cailloux. Pourtant, après une visite aux archives, et une étude rapide du Napo de 1807/1823, j’ai réalisé que le découpage de l’époque était légèrement différent, que les dimensions du lieu-dit la Mare aux Chats étaient beaucoup plus vastes, ayant quasiment doublées, voire triplées par rapport à celles d’aujourd’hui, et qu’au final, il incluait bien notre cuvette désignée. Cependant, après avoir arpenté les lieux, j’ai découvert une seconde dépression, située au nord-ouest dans le bois, à moins de 250m de la précédente(2). Son aspect est similaire à la première, en plus propre. Il n’y a cette fois-ci aucun déchet à l’intérieur. Bien sûr, j’ai pas mal réfléchit à tout ça. Je ne veux pas en faire une certitude. Je pense juste qu’il est possible qu’une des deux soit la bonne mare. Rien n’en est moins sûr, pourtant. N’empêche que ce sont les seuls endroits dans le coin qui ressemblent, de près ou de loin, à ce qui resterait d’un trou d’eau pratiquement asséché. A l’heure actuelle, j’ai l’impression que la première sert de décharge sauvage. Des blocs de pierre et des morceaux de bois y ont été jetés. Il y a des seaux en plastique au fond, des bouteilles, du verre, et des boites de conserves. Une petite croix en bois sommairement ficelée et certainement de facture récente, a été plantée au fond. Bizarre, et même si j’ai du mal à l’accepter,  j’ai dans l’idée que sa présence est peut-être l’indice d’une tentative de christianisation des lieux. A côté, un rejet de yukka  à poussé. Des arbres sont couchés, d’autres se dressent en son centre. La mare est plus ou moins circulaire, mesure une quinzaine de mètres de longueur pour environ 7 de large. Les bords les plus hauts sont à 1m60. Lorsqu’on creuse un peu, la terre est grasse et très humide.         





LA MARE AUX CHATS ? (VILLEMER)
Le climat semble assez ancien. On le trouve dans un terrier du 18éme. On peut raisonnablement penser qu’il existait déjà cent ou deux-cent ans auparavant. L’origine de son nom reste néanmoins favorable à d’interminables polémiques. Paul Bailly prétend « qu’à la période des amours, les chats s’y retrouvaient et miaulaient »(3). De mon côté, on m’a raconté qu’elle portait ce nom parce qu’on y jetait les chats « crevés » et qu’on se débarrassait des portées trop importantes.  


PETITE CROIX PLANTEE AU FOND DE LA MARE AUX CHATS  (VILLEMER)
Dans un registre plus effrayant, Kévin B, citant sa grand-mère, écrit « qu’on avait vu plusieurs fois le diable à la mare des chats et qu’au fond de cette mare il y avait un passage qui menait tout droit en enfer. C’est comme ça que le diable pouvait venir sur terre ». La petite croix plantée au fond est-elle en rapport avec cette légende ? Je crois que j’ai fait de mon mieux pour vous le suggérer en tous cas. 



(1) Coordonnées Lambert : X : 0637,083 ; Y : 1067,18
(2) Coordonnées Lambert : X : 0636,988 ; Y : 1067,347.
(3) Paul Bailly : Toponymie en Seine-et-Marne, Amattéis, 1989, p 327.



A propos de verrues
                      La Roche à Boule, visible sur la limite Nord Nord-Est de Montigny-sur-Loing, en bordure de la Route de la Grande Vallée, est la seule du climat qui porte son nom. De l’autre côté du chemin, les blocs du Long Rocher lui font face, comme s’ils avaient été repoussés pour faire place nette autour de notre pierre. Le monolithe en question est un grès à ciment calcaire fragile et très érodé. Il se dresse sur une sorte de trépied à supports massifs. Pour peu qu’on se mette accroupi, on peut évoluer facilement dessous. Attention à la tête !
LA ROCHE A BOULE (MONTIGNY-SUR-LOING)
LA ROCHE A BOULE (MONTIGNY-SUR-LOING)

                     Sa texture ressemble un peu à celle d’un chou-fleur, le goût en moins. Elle est incrustée d’innombrables petites billes de grès extrêmement friables pour certaines. Avant son emprisonnement à l’intérieur d’une propriété, les gamins du village venaient jouer sur la pierre. Plusieurs graffitis, des initiales, un IV, y sont gravés à plusieurs endroits. L’un de ces enfants, qui habite Voulx aujourd’hui, m’a raconté que sa grand-mère lui disait que :
« Les billes détachées de la pierre étaient bonnes pour soigner les verrues. Il suffisait de frotter la verrue avec l’une de ces boules, puis de la mettre dans sa poche du côté où se trouvait l’excroissance en question et le tour était joué ».
LES BOULES (ROCHE A BOULE, MONTIGNY-SUR-LOING)




C’est un bon endroit pour mourir
Lorsque Frédéric Ede (prononcer « ide »), un peintre canadien français venu se fixer à Montigny-sur-Loing vers 1889, commence à étudier la fameuse Roche au Nom du Bois des Brosses, les carriers avaient déjà débité plus des trois quarts de cet abri. Ils ont d’ailleurs tellement bien poursuivi leur boulot qu’à l’heure actuelle plus personne ne sait où il se trouve. Il est fort possible qu’on ait fini par le détruire totalement.   
LA ROCHE AU NOM, DESSIN DE FREDERIC EDE, (MONTIGNY-SUR-LOING)

La Roche au Nom était un banc de roche qui s’avançait en surplomb et formait une véritable grotte. Elle devait être assez vaste puisque : « les vieux du pays y abritaient leurs troupeaux et qu’on s’y donnait également rendez-vous certain jour de l’année, à la Saint-Jean »(1). Etait-ce l’occasion de pratiquer certaines coutumes liées à cette période de l’année ? Ramassage de plantes spécifiques et confection de bouquets, de ceintures et de couronnes protectrices, porte-bonheur et autres rites de passage à travers la fumée des feux… Cela reste dans le domaine du possible.
            Une seconde légende raconte : « Un jeune homme désespéré de se voir refuser la main de celle qu’il aimait se donna la mort sous cette roche. C’est à lui que nous devons les nombreux dessins cruciformes gravés dans la grotte »(2).
            J’avoue qu’à première vue le rapport entre ce récit et les gravures, typiques des abris ornés de la forêt de Fontainebleau, est loin de couler de source. Ede, qui défendit d’audacieuses hypothèses pour l’époque à propos des gravures rupestres, ne put résoudre cette énigme. Lui qui attribua aux Gaulois et aux druides la majorité des dessins qu’il a analysés, voyait dans la Roche au Nom un petit sanctuaire dédié à Tarb-Tarvos, le dieu taureau celtique. Ceci fut plus ou moins confirmé il y a quelques années, lorsque l’archéologue allemande M.A. Konig découvrit que certaines monnaies gauloises portaient des symboles identiques à ceux répertoriés par le peintre.

GRAVURES DE LA ROCHE AU NOM, DESSIN DE FREDERIC EDE, (MONTIGNY-SUR-LOING)
A propos des gravures, Ede rapportait également qu’ « Une légende existait, il y a encore quelques années, disant qu'autrefois les Romanichels, qui erraient sur le territoire de l'Europe, se réunissaient chaque année dans une des forêts, pour élire un chef et accomplir des rites mystérieux. La Forêt de Fontainebleau aurait été le théâtre, paraît-il, de semblables assemblées. Il était nécessaire de rappeler cette légende, qui a pu prendre naissance dans la découverte de signes mystérieux, semblables aux gravures du Mont Aiveu. Chaque année, à l'époque de Pâques, il n'est pas rare de rencontrer des convois de romanichels, traversant la Forêt mais ils n'y séjournent pas »(3).

(1, 2 )Frédéric Ede : La roche au nom, petit sanctuaire dédié à Tarb- Tarvos, dieu-taureau. Essai de mythologie celtique, Bulletin de l’ANVL, 1921, p 95.
(3) Frédéric Ede : Une Roche à Gravures dans la Forêt de Fontainebleau (Seine et Marne) Société Préhistorique Française, année 1911, p 212.


Un fossile humain, c’est possible ! (Gabriel de Mortillet, 1821-1898)
Dans le secteur de Marion des Roches, une histoire devenue plus ou moins légendaire se rattache au chemin nommé Route de l’Homme Fossile. Comme nous avons plus affaire à un récit historique qu’à autre chose, je ne rentrerai pas dans les détails. 
L'HOMME FOSSILE, DESSIN 1823 (MONTIGNY-SUR-LOING)
Le 10 octobre 1823, le colonel Juncker, parti en excursion près du Long Rocher, découvrit une roche en surplomb sous laquelle gisait « un cheval pétrifié ayant à côté de lui son cavalier couché, également pétrifié et armé d’un casque de fer »(1). Pour faire court, une sorte de fossile humain, pétrifié à la manière des dinosaures et, dans une moindre mesure, des coquillages marins. Le scoop prit rapidement de l’ampleur. Le sous-préfet de Fontainebleau fit un compte rendu passionné décrivant : « la forme d’un bras recourbé au coude… les doigts n’existent plus, mais on reconnaît distinctement les jointures adhérentes à la main (…) J’ai vu la tête du cheval… L’oreille (…) se distingue de la manière la plus parfaite (...) les naseaux, la crinière et le col sont d’une évidence manifeste. (…) Quant à la tête de l’homme, c'est un ovale parfait, recouvert de la forme d’un casque et d’un cimier »(2).
Suite à ça, un chimiste soumit le bloc à l’analyse et conclut qu’il s’agissait bien du fossile d’un homme et de son cheval.
On découpa le rocher pour l’envoyer en expo à Paris. On fit de la pub dans toute la capitale et le succès fut énorme. La foule se pressa, on en vint même à piquer des morceaux du fossile. Pendant ce temps la communauté scientifique décida de mettre les pieds dans le plat, histoire de clarifier le truc. Bientôt, la théorie du chimiste commença à battre de l’aile. On lui reprocha invraisemblances et erreurs de diagnostic. Tout ce beau monde se chicana un bon moment jusqu’à ce que Cuvier lui-même réprouve totalement ce principe de pétrification qui n’était selon lui « qu’une mystification due à une bizarrerie de la nature »(3). L’incident fut clôt, chacun récupéra ses billes et on ne parla plus de l’Homme Fossile. Ni de son cheval d’ailleurs.
Aux dernières nouvelles, il aurait été relégué dans une cave à Rouen, où il est peut-être encore.

(1, 2 et 3 ) Georges Lioret : L’Homme Fossile de la forêt de Fontainebleau, Bulletin de la Société d’Archéologie de Seine-et-Marne, 13 ème Volume, 1908-1909, p 179, p 183, p 188.



Au menu 2 : des chiens enragés, des ovnis, une clef récalcitrante et une statue pleurnicharde
Saint Mammès est mort jeune, vers l’âge de 15 ans. Capturé par les troupes impériales pour avoir refusé de sacrifier aux idoles, il passa par toute une série de tortures. On lui brûla tout le corps avec des tisons enflammés, on le corrigea à coups de pierres, puis on le jeta à la mer sans oublier de lui enchaîner une énorme boule de plomb autour du cou. Mais il fut miraculeusement délivré par un ange, qui le transporta sur une haute montagne surplombant la ville de Césarée. Il vécut là, en compagnie de bêtes sauvages qui lui offraient leur lait en nourriture. Quelque temps plus tard, fortifié par un signe divin, ou cherchant vraiment les ennuis, il descendit de lui-même se livrer à Alexandre, le nouveau gouverneur de Cappadoce. Il en prit une nouvelle fois pour son grade : on le jeta dans une fournaise ardente, où il resta à chanter la gloire de Dieu, protégé de la morsure des flammes par une rosée divine. Finalement, les soldats lui ouvrirent le ventre avec un trident, et Mammès trouva la force de sortir de la ville, entrailles à la main, avant de passer l’arme à gauche.
Avec les chiens enragés c’était moins compliqué. A Saint-Mammès, « Ils  prenaient d’eux-mêmes le chemin du village. Après avoir fait trois fois le tour intérieur de l’église, ils se couchaient sur une dalle devant la statue du saint en question, où ils s’endormaient pour se réveiller guéris »(1).
La tradition était autrefois vivace car « Charles VI ordonnait de faire conduire ses chiens en pèlerinage à Saint-Mammès. « Robin Raffon, varlet des chiens du Roy pour argent a lui baillé pour mener les dis chiens à Saint-Mesmer pour doubte de mal de rage et pour y aller chanter une messe devant les dis chiens et pour faire offrandes de cire et d’argent devant ledit saint pour le 24 J de février. Pour pain pour les chiens dessus dit, estants en la dicte ville de Saint-Mesmer, le 24 J de Février ». « En 1390, à nouveau, Robin Raffon reçoit une certaine somme d’argent pour avoir fait chanter une messe pour lesdits chiens limiers et lévriers devant Saint-Memet. Et pour faire offrande de cire et d’argent pour les dits chiens pour doubte de mal de rage »(2)
Il y avait également une fontaine miraculeuse à l’extérieur de l’église. Longtemps enfouie, Claude-Clément Perrot l’aurait de nouveau mise à jour lors d’une fouille dans les années 1990, mais elle fut détruite peu après. On raconte que « Les chiens y allaient boire, seuls, quand ils avaient la rage »(3).
Dom Morin, lui, parle d’un « Gentilhomme qui, après avoir été mordu par un chien enragé, se voua corps et âme à saint Mammès. Il fut rapidement guéri, et du coup sa ferveur religieuse retomba. Bien des années après, alors qu’il naviguait sur la Seine, il aperçu l’église du village et crut bon de la ramener en disant : « Voilà Saint-Mammès, mais je n’ai plus rien à fiche de lui ! ». Il ne mit pas longtemps à regretter ses paroles. Le saint, qui à sa manière avait ses limites, lui inocula de nouveau la rage, mais à la puissance 10. Le gentilhomme mourut sur le champ et fut enterré dans l’église »(4).
Moi, je dis, y en a qui feraient mieux de la boucler.

Au-delà de la controverse sur la véritable origine des OVNIS, je me permets de persister et de supposer une fois de plus que là encore, les témoignages proposés ne sont que l’expression de nouvelles formes de folklore, un folklore résolument contemporain de communication collective. Les déclarations suivantes se construisent autour d’une constante (des boules lumineuses) et d’événements (observations et disparitions d’OVNIS), auxquels s’ajoutent certains détails (parasites).  A noter que l’année 1954 a été marquée par une vague d’OVNIS sans précédent en France. Des dizaines d'observations, d'atterrissages, de rencontres avec des petits êtres sont rapportés tous les jours durant les mois de Septembre, d'Octobre et Novembre. Cette vague se caractérise par une prédominance de rencontres dite du 3ème type.

« Dans la nuit du 21 octobre 1954, de très nombreux témoins dont un habitant de Thomery ont déclaré avoir aperçu dans le ciel un engin de forme ovale, de couleur jaune orange et mesurant plus de 20 mètres, mesure réelle. Il planait à quelque 300 ou 400 mètres d’altitude. L’engin est resté immobile pendant un certain temps avant de  disparaître à une vitesse incroyable. Un des observateurs, M. André L., spécialiste de la météo et résidant à l’époque à Thomery, a estimé que la vitesse de l’engin était de l’ordre de 10.000  kilomètre-heure ! ». 
« Le 15 Décembre 1968, tandis qu’il circulait sur la D148 en direction d’Episy, Alain Thouard observa une boule lumineuse posée dans un champ. Elle était de la grosseur d’une bagnole et émettait une lueur bleutée. Les parents du jeune homme signalèrent que ce soir là, peu de temps avant le retour de leur fils, de nombreux parasites brouillèrent leur télé pendant une bonne minute ».  
« Écuelles, fin novembre 1968. Vers  21 h 45 : entendant les aboiements de leur chien, M. et Mme Brière sortirent de chez eux. Ils jetèrent un œil aux environs, mais ne virent personne, ni dans la cour, ni sur la route. En revanche, ils distinguèrent dans le ciel un globe de feu se déplaçant à grande vitesse. Il était silencieux et semblait filer en direction de Melun. Il réussirent à l’observer pendant quelques secondes avant que celui-ci se perde dans l’obscurité »(5).

C’est Claude-Clément Perrot qui m’a raconté les deux histoires qui vont suivre. Il les tenait d’un certain Bernard Noël. A chaque fois, l’action semble se dérouler à Thomery, dans les années 70.
« De retour du boulot, un homme, après avoir garé sa voiture, entra tranquillement chez lui et referma la porte à double tour. Il se débarrassa de ses affaires puis grimpa à l’étage avec le projet de prendre une douche. A mi-parcours, un bruit familier attira son attention. Il redescendit et s’aperçu que la porte d’entrée était entrouverte. Pas inquiet pour deux ronds, il la poussa et la referma aussi sec, laissant la clef dans la serrure. Il allait pour remonter l’escalier, lorsque cette fois-ci il entendit dans son dos le cliquetis de la clef qui tournait toute seule. Sans se démonter, il prit la clef et la posa sur le meuble le plus proche. C’est alors qu’il la vit se déplacer pour retourner ouvrir la porte ».  

« Un couple, nouvellement propriétaire d’une maison, découvrit sur la cheminée de la pièce principale une petite statue de femme à laquelle il manquait la tête. Ils la laissèrent en place, occupés à emménager, mais rapidement des bruits de pleurs commencèrent à se répandre par intermittence dans toute la baraque. Ils firent des pieds et des mains pour essayer de trouver la source de ces gémissements. En vain. Ils semblaient diffus et lointains, mais toujours présents. Les jours passèrent, les pleurs résonnaient sans fin. Puis un matin le propriétaire, occupé à jardiner, trouva la tête d’une statuette sur le sol. Instinctivement, il vint la placer sur la statue guillotinée. Elle s’adaptait au poil près. Il la fixa pour de bon et peu après les pleurs s’arrêtèrent définitivement ».     

(1) Abbé Clément : Le village et l’ancien prieuré de Saint-Mammès, Moret, 1900, p 14-15.            
(2) Victor Gay : Glossaire d’archéologie,  extraits fournis par Claude-Clément Perrot, lettre du 11 Décembre 2009.
(3) Roger Lecotté : Recherches sur les cultes populaires dans l’actuel diocèse de Meaux, mémoire n°4 de la Fédération Française Folklorique d’Ile-de-France, 1953, p 150.
(4) Librement inspiré de Dom Morin, rapporté par : Abbé Clément : Le village et l’ancien prieuré de Saint-Mammès, Moret, 1900, p 15.
(5) Consulter le site : http://ufoweb.free.fr/mace9.htm


Le félin-mystère
C’est sous ce titre que Véronique Campion-Vincent et Jean-Bruno Renard ouvrent le quatorzième chapitre de leur bouquin consacré aux Légendes urbaines. Puis ils nous expliquent :
« Les récits de félins-mystères sont des cycles d’agitation collective se développant autour d’incidents collationnés en série par des interprétations, et considérés comme révélateurs d’une anomalie grave. Ici l’anomalie est la présence d’une bête d’aspect inhabituel, jugée potentiellement dangereuse, bête furtive qui apparaît brièvement dans les endroits les plus inattendus et que l’on peut trouver au bout de son jardin, un soir »(1)

(1) Véronique Campion-Vincent & Jean-Bruno Renard : Légendes Urbaines, rumeurs d’aujourd’hui, Payot, 1992, p 154.

LA REPUBLIQUE DE FONTAINEBLEAU
Pour ceux qui lisent la presse locale ou même nationale, cette description n’aura rien d’énigmatique. Une affaire analogue à celles décrites par nos auteurs a occupé notre région durant un peu plus de deux mois.
Rappelons les faits :
« Au début novembre 2007, un automobiliste observe sur la D403 entre Villemer et Villecerf un grand animal de couleur beige traverser la route.
Le 6, 7, 10, il est signalé, à Samois, Bois-le-Roi, Chartrettes »(1).
 Le 13 et le 14, à Samois, Françoise Bégat distingue, dans un terrain en friche, un animal au pelage roux. « L’animal ressemblait à un puma avec sa grande queue »(2).
Le 15, Nicolas Flamant de l’ANVL(3) croit avoir aperçu une panthère noire aux abords de Samois(4). Le même jour, Yves Doux, également de l’ANVL, a aperçu lui aussi une panthère noire dans le secteur de Samois(5).
Le 18, l’animal est vu par une adjointe au maire de Samois, à Barbeau, en bordure de Seine(6).
Le 20, croyant avoir croisé la route du fauve sur le chemin de halage, un promeneur se jette dans le canal du Loing. Une masse sombre, de 50 cm au garrot et émettant des grognements, serait sortie des fourrés pour cavaler après son chien. Pour certains, l’homme serait tombé sur un sanglier(7).
La Préfecture lance un avis aux promeneurs dans le secteur des vallées de la Seine et du Loing. Des communiqués signalant la présence possible d’un félin ont été affichés aux entrées du massif forestier et même en ville, près du canal du Loing(8).
Le 22 novembre, une automobiliste pense avoir vu dans la lumière de ses phares une tête couleur fauve de 20 cm de diamètre, entre Ecuelles et Episy(9)
Le 23, une empreinte pouvant appartenir à un félin est repérée dans la Plaine de Sorques. Cinq jours plus tard, après analyse, l’hypothèse n’a pas été confirmée : il s’agirait ni plus ni moins que de l’empreinte d’un chien de meute(10).
Le 24, il aurait été de nouveau observé à Bois-le-Roi(11).
Le 27, près de Montarlot, un gendarme stagiaire a affirmé avoir vu un animal de couleur noire, couché dans l’herbe sur le bas-côté de la route(12).  
Le 20 décembre un habitant de la Rochette croise le chemin « d’un animal noir et gris, pas très grand (…) il avait une grosse tête de chat, assez grosse et avait la taille d’un berger allemand, mais n’était ni une panthère, ni un puma »(13)

Des scénarios de ce genre existent un peu partout en France (août 2006, un félin de grande taille aurait  été aperçu par deux témoins sur le territoire de la commune d’Audinghen dans le Pas-de-Calais) et dans le monde, et se construisent sur des schémas quasiment identiques, à quelques variantes locales près. Les attributs caractéristiques de ces histoires sont également présents dans l’affaire de notre félin-mystère du Gâtinais : profusion de témoignages contradictoires, controverse sur la nature exacte de l’animal, absence de traces ou de déjections, et à la finale disparition de l’animal sans qu’aucune identification ne soit faite.
Certaines explications fantaisistes ont été lancées pour tenter d’expliquer ce phénomène : des félins se téléporteraient spontanément et viendraient tantôt de la Préhistoire ou d’une région sauvage du globe. Il a été aussi question d’une matérialisation, d’une sorte d’incarnation de pensées agressives ayant la forme d’un félin. D’autres enfin pensent qu’il s’agirait d’espèces inconnues, d’un mutant, voir même d’un animal déguisé…
Je finirai en laissant la parole à Véronique Campion-Vincent et Jean-Bruno Renard, dont les commentaires, à défaut de tout résoudre, me paraissent plutôt appropriés à notre époque :
« Les apparitions de félins-mystères sont de « bons sujets » en raison de l’interprétation populaire qui en est donnée et qui fait d’eux des félins venus d’ailleurs. (…) Cette interprétation est la mise en scène d’une irruption du sauvage dans la société des hommes (…) et permet de formuler un malaise causé par le développement de nouvelles conceptions de l’univers qui ne sont pas complètement acceptées. Ces nouvelles conceptions opposent industrie et nature, faisant de cette dernière une ressource à protéger et à défendre contre l’envahissement des hommes, et de l’animal sauvage l’emblème de cette nature à protéger »(14).
Ceci clôt notre exploration du légendaire du canton de Moret-sur-Loing.

(1) Le Parisien, Lundi 26 Novembre 2007.
(2) La République de Seine-et-Marne, 3 Décembre 2007.
(3) Association des Naturalistes de la Vallée du Lunain.
(4) La République de Seine-et-Marne, 19 Novembre 2007.
(5) La République de Seine-et-Marne, 3 Décembre 2007.
(6) La République de Seine-et-Marne, 19 Novembre 2007.
(7) La République de Seine-et-Marne, 25 Novembre 2007.
(8) La République de Seine-et-Marne, 25 Novembre 2007.
(9) La République de Seine-et-Marne, 25 Novembre 2007.
(10) Le Parisien, 24et 28  Novembre 2007.
(11) La République de Seine-et-Marne, 25 Novembre 2007.
(12) Le Parisien,  28  Novembre 2007.
(13) La République de Seine-et-Marne, 24 Décembre 2007.
(14) Véronique Campion-Vincent et Jean-Bruno Renard : Légendes Urbaines, rumeurs d’aujourd’hui, Payot, 1992, p 158.              




Architecture Romaine pour Brigands économes

       A la sortie Est de Ville-Saint-Jacques, dans l’angle que forme la Départementale 120, se dresse l’actuel château de La Brosse. Si l’on en croit les rédacteurs de Promenade en Gâtinais, il aurait été édifié au cours du 18ème siècle, sur les ruines d'un ancien manoir féodal. Un souterrain s’étirant sur près de 4 km, relierait le site au lieu-dit : les Caves, sur la commune de Montarlot. On raconte(1) qu’il y avait à cet emplacement tout un réseau de grottes et de tunnels datant de l’empire romain et qu’elles étaient utilisées, à une époque pas si lointaine, comme refuge par des coupe-jarrets pour qui le meurtre et le brigandage de haut vol était devenu une spécialité. C’est dans l’une de ces caves, fermée par de lourdes portes de fer, qu’ils auraient caché leurs gains si atrocement négociés, et dans les galeries, balancé les corps de leurs malheureuses victimes, dont on peut encore distinguer des squelettes entiers. Comme on le voit, on ne peut pas être circonspect à tous les coups.






(1) Cahier Pierre V, date du 07/04/1954.


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Guy-Edouard Pillard : Le vrai Gargantua, mythologie d’un géant, Paris, Imago, 1987.
Abbé Pougeois : L’antique et royale cité de Moret, Paris, 1875.
André Regard : La légende de Saint-Nicaise, Revue de Moret, n°106, 1987.
Madame S : témoignage recueilli lors d’une conférence sur les fantômes et maisons hantées en Gâtinais, Moret, le 2 Novembre 2003.
Armand Viré : Les mégalithes de l’arrondissement de Fontainebleau, L’Homme préhistorique, n°4, avril 1906.
Armand Viré : La Vallée du Lunain aux âges préhistoriques, Imprimerie Charles Monnoyer, le Mans, 1926.
Christian Voisin : Histoire secrète des fermes monacales et seigneuriales, le Puits Fleuri, 2007.



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1 commentaire:

  1. Concerne : Episy
    10) L’appartement du dessous (La Cave au Diable)

    Dans les années 60, un fermier y aurait "enterré" des porcs morts de la fièvre aphteuse et aurait rebouché la cavité. C'est lui même qui m'a dit ça (ce qui n'authentifie pas pour autant les faits). Ce fermier est toujours vivant.

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